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Le mec de la tombe d'à côté


Le mec de la tombe d'à côté

Le spectacle en détail

L'avis de Deashelle

Daphné Merlin, Bac+5, se rend régulièrement sur la tombe de son jeune Hugo de mari, un alter ego qui a eu le mauvais goût de mourir sur son vélo, la tête dans un casque où il écoutait des chants d’oiseaux. Bibliothécaire, et citadine en diable, elle vit dans un appartement impeccable, tout blanc, plantes vertes, très tendance, pas une tache. Au cimetière, elle rencontre le mec de la tombe d'à côté, dont l'apparence rustique l'agace souverainement, autant que la stèle orgueilleuse et son abondante vie végétale, digne d’un pépiniériste. La tombe où elle se recueille est nue et sobre, pas même un rosier, car le mec d’avant, amoureux du vide, en avait décidé ainsi, réglant tout dans sa vie, jusqu’à ses obsèques. Depuis le décès de sa mère, Jean-Marie vit seul à la ferme familiale avec ses vingt-quatre vaches laitières. Il est fort affecté du vide laissé par la mort de sa mère, mais il a de l'humour et de l'autodérision et le rêve inavoué d’un « je t’aime, tu m’aimes, on sème… ». Chaque fois qu'il rencontre « la dame beige », bonnet ridicule fiché sur sa masse vaporeuses de cheveux, il s'énerve contre la 'Crevette' qui occupe le banc au cimetière avec lui, avec son carnet et son incroyable « stylo à plume !» « Est-ce qu’elle compterait les maris qu’elle a enterrés ? » Tout les sépare et pourtant, les monologues intérieurs sont éloquents, chacun éprouve un désir confus. « Un arc-en-ciel a surgit entre nous » dit-il au premier sourire involontaire de la belle. Une histoire d’amour démarre. Ils vont se raconter tour à tour, se rencontrer, s’aimer, se séparer, se rattraper, se disputer copieusement, vivre une relation charnelle à la Lady Chatterley…. Mais le choc des cultures ! Le tournant ce sera cette phrase des moutons qui tue. Innocemment Jean-Marie lâche : « Il va falloir qu’on les rentre… » Totalement étrangère aux choses de la ferme, la crevette se cabre. Saisie d’une peur panique elle voit en un instant le piège épouvantable d’une vie de paysanne se refermer sur elle, et, devenue chevrette sauvage, elle prend la fuite. Et ce "ON", terrifiant pronom menteur qui s'emble l'avoir inclue! Pourtant tous deux nourrissent des illusions romantiques… Le duo Florence Crick et Guy Theunissen joue avec brio, malice, et justesse, ces deux personnages un peu manichéens. C’est en fait cela leur problème: aucun lieu de rencontre, si ce n’est le lit de leurs amours et le cimetière de leurs illusions. La volubilité, et les mouvements de poursuite et d’esquives brillent comme des éclairs. Les yeux et les sourires parlent plus que déclarations. Les moments de tendresse sont profonds comme une meule de foin, et sublimes alors qu’ils sont assis sur une tombe. La lucidité de la paysannerie est là : « On va aussi bien ensemble que la merde et les pantalons verts, comme disait mon grand-père. Et je ne veux pas que ça s'arrête. A chaque jour suffit sa peine, je n'aurai qu'à apprendre à faire avec. » La campagne et ses odeurs tenaces, l’immense ferme un peu délaissée, la bibliothèque, le théâtre et la ville sont magnifiquement rendus par la parole et le geste. Dommage que le seul lieu de rencontre ne soit qu’un cimetière, s’ils pouvaient y enterrer leur ego une fois pour toutes, tout irait mieux. « Mieux vaut franchir les minutes une à une, les avaler comme des pilules amères, essayer de ne pas penser à toutes celles qui restent "» Qui fera le pas, et enterrera en même temps la hache de la guerre du couple ? Daphné insiste cruellement : « Bien sûr que c'est possible de vivre comme ça, être les meilleurs amis du monde, chacun sur son étoile, puis s'amuser ensemble lorsqu'on sent le souffle de la solitude sur la nuque? Bien sûr que c'est possible? » Une attitude triste à pleurer, hélas typique de notre époque postmoderne, où l’engagement est devenu si difficile, où jamais on ne veut lâcher prise et se donner vraiment à l’autre, où «chacun vit sur une autre planète ! » Dans la peur panique du lien.
Posté le 08-11-2010
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