Un repris de justice poursuivi par le poids de son passé vient en aide à une jeune fille et à sa veuve de mère, victimes d’un  horrible usurier de banquier.
Triste, mélo non ?
Juste pour le plaisir, rajoutons-y un grand-père malade, un amoureux désargenté, un huissier véreux et des policiers zélés et inévitablement bornés.
Faut-il vraiment prévoir une boîte de mouchoirs avant de pousser la porte du Théâtre de la Place des Martyrs?
Que nenni, Mille francs de récompense est une fantaisie théâtrale, très peu jouée de Victor Hugo. Si l’on y retrouve certains accents des Misérables, ce n’est que pur clin d'œil, car l’auteur français semble avoir écrit son texte avec une balance sur sa table de travail.
Douze grammes de larmoyant, un énorme éclat de rire, une dose de pathos et une gouleyante rasade d’humour, seule prime ici une morale comme on les aime, celle qui défend les petits contre les grands, qui met en avant des antihéros, des personnages bons comme le pain, tendres et adorables, truculents ou odieusement suintants d’onctuosité vicelarde et de cupidité malsaine.
Pour son vingtième anniversaire, la compagnie Théâtre en Liberté s’offre une fable délicieusement drôle, une comédie tendrement piquante qui nous emmène dans une sorte de rêve éveillé, un voyage onirique au pays de jadis, dans un univers que nous ne voyons guère plus que dans nos BD, dans nos films ou nos dessins animés.
Travail de toute une équipe, Mille francs de récompense est création qui démontre une fois de plus le dynamisme, l’énergie et l’imagination de toute la troupe. La mise en scène comme la scénographie deDaniel Scahaise, les chorégraphies d’Antoine Guillaume, les costumes d’Anne Compere, les masques de Jean-Louis Danvoye, les somptueux éclairages de Philippe Fontaine, les musiques de Daniel Dejean tout concourt à nous proposer un divertissement rafraîchissant en diable.
Par exemple, la scène du bal au bord de l’eau est une jolie réalisation que l’on presque espérer voir prolongée ou accentuée.
 En meneur de jeu, sorte de philosophe haut en couleur au franc-parler truculent, Jean-Henri Compère (Glapieu) emmène avec panache la distribution où nous épinglerons la prestation jouissive de Jaoued Deggouj en Rousseline (l’homme d’affaires malhonnête).
À leurs côtés, Christophe Destexhe (le grand-père), Isabelle De Beir (Étiennette, la mère), Dolorès Delahaut (Cyprienne, la fille), Bernard Marbaix (le banquier Puencarral), Gauthier de Fauconval (l’employé de banque amoureux), Laurent Tisseyre (le juge), Sylvie Perederejew et quelques autres enchaînent chants, pas de danses, jeu, masques, pantomimes, apartés pour transformer cette critique à peine vitriolée d’une société bourgeoise trop bien-pensante, cette aventure rocambolesque, au trait par instants délicieusement grossi, teintée d’humour noiren un agréable moment de théâtre et une bien généreuse façon de fêter ses vingt ans.
Muriel Hublet |
Une « tragédie de Quat’sous ».
