Un spectacle original, surprenant, à regarder à yeux grands ouverts tant il y a des choses à voir et à esprit ouvert car il fait se fissurer allègrement le vernis de conventions sous lequel nous cachons trop souvent nos sentiments et nos pudeurs.
Pas de scène de théâtre classique ici, mais un accueil des spectateurs en plein air, dans un style très gitan, avec musique et procession, pour les emmener vers un hangar industriel, qui accueille pour quelques jours des gradins.
Un décor très singulier, mais qui permet à la mise en scène de jouer sur un lieu qui se prête aux plus grandes fantaisies dans la simplicité dépouillée de murs de pierre et d’un sol en terre battue.
Vélos, camionnette, poussette, palan, vieilles bassines, tout devient des accessoires, des éléments de scénographie.
Des artistes flamands qui jouent un texte de Lorca (espagnol) jamais monté à ce jour dans la langue de Molière, c’est donc une découverte et une véritable délectation tant les genres se confondent.
Certains acteurs s’expriment en espagnol (ce qui ne nuit pas à la compréhension de la pièce), les autres en français pour nous offrir un spectacle complet (textes et musiques) généreux et spontané.
Ce mélange de langues renforce la contradiction entre le populaire tout simple, empreint de mysticisme et superstitions et le réalisme d’une vie plus moderne.
Ainsi, par exemple, la chanteuse de flamenco Amparo Cortés, sans prononcer un mot de français, juste en chantant, devient un peu la grand-mère, la gitane, la détentrice des secrets ancestraux. Et cela, juste par la force de la voix et du talent d’interprétation.
Sans retenue, ils se donnent à fond, chantent, crient, dansent, s’expriment, mouillent la chemise (au propre comme au figuré).
Ils finissent trempés, crottés, épuisés (mais souriants), pleins de petits bobos après deux heures exténuantes pour eux mais étonnantes et exaltantes pour nous.
Une histoire poignante mais pleine de tendresse et d’humour.
Des mots pleins d’un bon sens très populaires nous remettent en mémoire certaines phrases très souvent entendues jadis, mais oubliées (volontairement ?) depuis.
Un ensemble soulignée par une musique vibrante, qui accompagne, souligne, renforce (et parfois couvre, mais c’était la première représentation) les mots de Lorca.
Avec des instruments classiques et d’autres plus inédits (telle une scie), le groupe Lod, rythme un récit très humain.Yerma mérite des claques, est un spectacle à voir, sans préjugés.
C’est un spectacle généreux, puissant.
S’il risque de déranger, par moments, certains esprits pudibonds et conservateurs, il n’est en rien volontairement choquant ou outrancier.
Au contraire, il est empreint d’une pudeur de sentiments, d’un très grand respect des conventions de la société, trop grand même.
C’est d’ailleurs son besoin d’être mère à tout prix, d’être comme ses amies … enceinte, de connaître à son tour les joies de la maternité qui vont mener Yerma à de telles extrémités.
Yerma mérite des claques ? Non,non, Yerma mérite des applaudissements chaleureux et nombreux pour un spectacle aussi débordant de joie, de puissance et d’ardeur et de cœur.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 02-07-2006
Palais des Beaux-Arts
Présentation du spectacle :
Résumé :
Yerma veut des enfants. Le problème, c’est qu’après cinq ans de mariage avec Jean, il n’y a toujours pas la moindre ombre de bébé à l’horizon. Mais Yerma est têtue. Tous les moyens seront bons pour arriver à ses fins, quitte à ce que le désir de ses entrailles l’emporte sur sa raison.