 Pour tous Pinocchio est le film de Disney, l’aventure d’un pantin devenu humain après bien des péripéties.
Comme souvent derrière ces adaptations lissées, policées, américanisées, se cachent détails piquants et rebondissements inconnus. Son auteur, Carlo Collodi, l’a écrit quasi comme un roman-feuilleton, en trente-six épisodes imbriqués, entraînant son personnage de mésaventures en déconvenues pour lui apprendre les rigueurs de la vie.
À l’image de la bûche de bois brut que l’on scie, cisèle, grave, que l’on polit et peint et que l’on manipule, les évènements vont faire du gamin déluré, frondeur, rêveur, rebelle et révolté un petit garçon modèle digne de figurer dans un recueil de la Comtesse de Ségur.
Le choix des textes et l’adaptation théâtrale deviennent primordiaux pour que chacun puisse se rapprocher du Pinocchio de son enfance (proche ou lointaine), mais aussi se préparer à partir dans un voyage très différent dans ses thématiques, sa dynamique et sa cruauté.
Abdel El Asri a su choisir thèmes et mots et s’est lancé, avec son équipe, dans une forme respectueuse de réécriture, pour distiller fantaisie, humour et loufoquerie, pour permettre à chaque génération de savourer avec tendresse ou ironie les péripéties de ce conte cruel et réaliste et d’en découvrir toutes les facettes.
Finies les images prédigérées, à chacun désormais d’imaginer, de compléter les scènes habilement suggérées par la scénographie de Olivier Melis & Florence Weiser.
Comme Pinocchio, grimpez sur le carrousel de la vie et laissez-vous emporter par le dynamisme des sept comédiens qui se glissent dans tous les rôles (Abdel El Asri, Simon Hommé, Sophie Lajoie, Kim Leleux, Diego Lopez Saez, Thomas Venegoni et Gregory Vandamme), acteurs comme musiciens, machinistes comme accessoiristes.
Rythmé, quasi sans temps morts (fameuse mise en espace de Diego Lopez Saez), ce spectacle complet mélange chant, danse, mime, marionnettes, musique, avec un clin d’œil vers la Commedia Dell Arte, certains classiques très contemporains et même la chanson française.
Surprenant et décoiffant sont les premiers adjectifs qui viennent d’emblée.
Pour beaucoup, Les Baladins du Miroir c’est un rendez-vous magique, poétique, féerique. Beaucoup de spectateurs ont probablement encore en mémoire Tristan et Yseut ou Le chant de la source et inconsciemment, ils attendent un peu la même chose en pénétrant sous le chapiteau pour assister aux Aventures de Pinocchio.
Si l’on s’obstine à chercher les tambourins et les douces lumières, jamais on ne percevra toute la magie, certes un peu différente, peut-être un chouia plus moderne dans ses musiques, un peu plus acérée dans ses critiques, un peu plus pessimiste dans sa thématique, mais tout aussi pertinente, virevoltante, généreuse et complice.
Cette jeune troupe nous offre un spectacle mûri et peaufiné, qui sera pour beaucoup une véritable (re)découverte de l’œuvre de Collodi, d’une profondeur incroyable pour qui saura l’appréhender, mais aussi un divertissement enjoué, complet, plus que digne du chapiteau des Baladins du Miroir.
Pour les plus petits, la morale des Aventures de Pinocchio pourrait se résumer par A cœur vaillant, rien d’impossible.
À force de courage et de volonté, le pantin traverse les embûches de la vie et en sort grandit.
Soyez enfant vous aussi, repoussez votre éventuelle frilosité, laissez-vous emporter dans le tourbillon fantastique proposé par Abdel El Asri et son équipe.
Muriel Hublet |
Il était une fois... un roi, me répondrez-
vous ? Non.
