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Notre critique de La Molière (ou Madeleine B.)

Dans une chambre presque monastique, Madeleine égrène ses souvenirs.
La MoliereFemme de tête, amoureuse, ange blessé et déchu, comédienne, catholique fervente, elle dévoile sous bien des angles une personnalité aux multiples facettes.
Madelon, la jeune rouquine rebelle, qui refuse son destin, qui entre en comédie comme d’autres en religion, défie les règles de son temps pour se libérer du joug masculin, pour jouer de son art et de son talent, pour devenir une des grandes tragédiennes de son époque.
Dans sa jeunesse, la rousse ensorceleuse fut considérée comme libertine, comme une catin, malmenée verbalement par les faux dévots, par les prudes et les pudibondes.
Madeleine, lucide sur elle-même et sur le monde qui l’entoure, éructe sa rage, ses rancoeurs, crie aux injustices et pleure sur son amour perdu, sur les déceptions qu’elle en a vécu, sur les désillusions et les compromissions qu’elle a faites, prête à ramper pour une parcelle de reconnaissance, une bride de sentiment de celui qui fait encore battre son coeur, Jean-Baptiste, dit Molière.
En effet, cette silhouette âgée, brisée, déçue, rompue, abandonnée n’est autre que Madeleine Béjart, actrice de talent, propriétaire et directrice de l’Illustre Théâtre, qui par amour pour Molière est rentrée dans l’ombre, a insidieusement été écartée de la scène, s’est vue reléguée à la triviale gestion du quotidien, aux retorses manipulations des créanciers pendant que son idéaliste d’éminent auteur faisait des ronds de jambe et des révérences aux grands de ce monde pour quémander pensions et honneurs.
Avec le recul, elle se livre donc à une peinture cruelle d’elle-même et de son ex-compagnon, ne lésinant ni sur la colère, ni sur les images fortes pour mieux faire percevoir son incommensurable détresse, sa frustration de femme délaissée, flouée dans son art et dans son coeur.

Complexe, complet, soigneusement étayé historiquement, le texte de Joëlle Gardes retrace les étapes d’une vie, mais surtout se révèle être un petit bijou finement ciselé de sentiments et de passions qui se dévoilent, se déroulent et s’enroulent à un rythme qui ne laisse guère le spectateur en repos.
Du ton de la confidence à celui de l’aveu, de la rancune contre Molière à sa rage contre les Tartuffes de son monde, Madeleine est un tout, vit et vibre, résonne et reflète.
On peut sans crainte la comparer à une flamme rousse lumineuse qui se dresse bien droite, avant de ployer sous un coup de vent, de se redresser de suite, de pâlir légèrement, pour redevenir chatoyante l’instant suivant.
La pièce est à cette image, fluctuante, nerveuse, chaleureuse et flamboyante.La Molière
Dans la bouche de son personnage, Joëlle Gardes glisse,  par-ci par-là, des citations (extraites de classiques notoires) ou quelques rimes de son cru.
Tout coule de source, rien ne fait affecté ou trop apprêté.
La mise en scène a été confiée à Patrick Kerbrat.
Il a opté pour la simplicité et si quelques grands gestes, quelques emphases tragiques surviennent de-ci de-là, ce n’est que pour souligner avec justesse le côté tragédienne de la Béjart.
Dans le même respect de la pureté et de la beauté du manuscrit, la scénographie d’Édouard Laug est simple, presque minimaliste pour donner toute la place à l’essentiel … l’émotion.
Celle-ci est vraiment au centre de tout, grâce à la formidable prestation de Frédérique Tirmont qui pianote avec sur le clavier des sentiments, pianissimo, allegro, forte, mezzo, la mélodie est là, fascinante, attachante, poignante, enjouée, langoureuse toujours présente et ne vous laisse pas un instant en répit.

La Molière (publié sous le titre Madeleine B. ou la Lune rousse - Éd. de l'Amandier) se révèle être un petit régal pour les amateurs de mots forts et prenants, une plongée dans l’intimité tourmentée d’une femme aux multiples facettes, au destin illustre et tragique, la mise à nu d’une âme forte et blessée.

A découvrir avec le cœur, sans crainte d’une prise de tête.

Muriel Hublet
Spectacle vu le 15-08-2008
Festival Royal de Théâtre de Spa
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Présentation du spectacle :
Résumé :
La Molière (ou Madeleine B.)titre>L’histoire n’attribue le plus souvent qu’un rôle de second plan à Madeleine Béjart. Et pourtant, sans elle, Jean-Baptiste Poquelin aurait-il pu devenir Molière ?
L'affiche :
De : Joëlle Gardes
Avec Frédérique Tirmont
Mise en scène : Patrice Kerbrat

Les prochaines représentations :

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