Logo
L’Homme semence
L'homme semenceUn récit hors du temps qui a traversé l’Histoire voilà ce qui décrit peut-être le mieux L’Homme semence de Violette Ailhaud.
L’auteure avait 16 ans en 1851 quand Louis Napoléon Bonaparte décide de réprimer sévèrement les contestations contre sa prise de pouvoir.  Les résistants et opposants sont arrêtés et déportés à Cayenne ou en Algérie.
Tous les hommes de Saule Mort disparaissent, emmenés par les gendarmes.
Comment vivre sans eux ?  Comment survivre ?
Que faire sans leurs bras pour la moisson, sans leur tendresse, sans leur présence ?

Si les femmes se sont bien chargées du travail des champs et ont appris à manier la faux et le fusil, cela n’a pas comblé le primordial : l’absence.
Plus d’épaule rassurante, plus de chaleur, plus de désir, plus d’amour, plus d’enfants.
Comme désertées, le corps et le cœur vide, elles attendent, elles espèrent, mais rêver ne réchauffe ni les esprits, ni les lits.
Des discussions le soir au coin du feu est né entre elles un étrange pacte : le premier homme qui entrera dans le village deviendra le leur, à toutes.
Leurs ventres ne doivent pas rester stériles, ils doivent continuer à porter la vie.
Il leur faudra patienter deux ans avant de voir arriver Jean.

Présenté comme le monologue biographique d’une femme aux cheveux blancs qui partage avec ses descendantes sa vie et ses secrets, L’Homme semence c’est des mots tout simples pour un texte fort et plein de poésie.
Avec la candeur de sa jeunesse, avec ses rêves de famille et d’enfants, Violette se dévoile, en toute sincérité, sans tabous, et nous contamine par son envie de mordre la vie à pleines dents.

C’est toute une équipe qui s’est emparée de l’œuvre de Violette Ailhaud : Annette Brodkom (mise en scène), Daphné D’heur (création sonore), Christophe Herrada (voix), Fanny Roy (mouvement) et Claude Enuset (lumières).  Un travail collégial pour un spectacle onirique, un univers feutré et terriblement coloré, entre le poids des silences, la légèreté des mots et la puissance des évocations.
Avec quasi pour seul accessoire une immense toile aux chaudes teintes pastel,  Marie Avril incarne avec justesse et émotion une jeune femme chamboulée par ses sens.

À la fois visuel et perceptif, ce texte court d’une cinquantaine de pages trouve un superbe prolongement dans les mouvements du tissu qui deviennent au gré du récit champs, rivière, corps …
On reste un peu plus perplexe sur les ‘pas de danse’.
N’empêche, lumineux, vibrant et poétique L’homme semence est fichtrement séduisant, même s’il est avant tout éminemment féminin et pourrait dérouter plus d’un homme.

Spectacle vu le 07-08-2015
Lieu : Festival Royal de Spa (Salon Gris)

Une critique signée Muriel Hublet

Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF