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La bonne âme du Se-Tchouan
La bonne âme du Se-TchouanSimple, drôle et terriblement humaine, cette farce amère et réaliste nous emmène en Chine, dans la province du Se-Tchouan. 
Les Dieux sont inquiets.
Restent-ils de bonnes âmes parmi les humains ?
Shen Té (Virginie Pierre), la prostituée, les accueille sous son toit, quitte à ne pas savoir honorer, faute de travail, son loyer du lendemain.
Pour récompenser cette Bonne âme du Se-Tchouan, elle reçoit de l’argent, beaucoup d’argent, mais aucun conseil sur la manière de l’utiliser.
En personne avisée, pourtant, la jeune Shen Té s’achète un débit de tabac.
Tout irait bien dans le meilleur des mondes si l’envie, la cupidité et la misère ne venaient frapper à sa porte. Très vite, sa gentillesse et parfois sa naïveté la confrontent à des arnaqueurs et autres requins qui veulent surtout profiter de sa générosité et de sa nouvelle prospérité.
Que faire ? Renoncer ? S’endurcir ?
La jeune femme s’invente un cousin imaginaire Shui Ta, sévère et excellent gestionnaire, qui remet rondement au pas tout ce petit monde.
Mais quand frappe l’amour, sous les traits d’un aviateur désargenté (Abdel El Asri), prêt à tout pour avoir l’argent nécessaire pour assouvir ses rêves de piloter, qui du cœur ou de la raison gagnera ?

Sorte de parabole cynique, cruelle et pleine de bons sentiments, cette pièce de Brecht décrit avec beaucoup de justesse notre monde si imparfait et met parfaitement en évidence l’adage L’homme est un loup pour l’homme.
Déjà écrit sous une forme lyrique et poétique, quand Les Baladins se l’approprient le résultat est tout bonnement fabuleux.

Sous leur chapiteau, en quelques accessoires judicieux, apparaissent sous nos yeux : rues emplies de vélos, maisons, pont de bois, usine de tabac, boutique, salle de mariage … (décors soignés, modulables et inventifs de Alice Claus et Isis Hauben)
Sur scène, onze artistes assument tous les rôles : acteurs, figurants, musiciens, accessoiristes, bruiteurs…
Entre féerie et magie, au-delà des tribulations de la charitable Shen Té, de l’intrigue, des mots pertinents de Brecht, le regard ne cesse de virevolter, attiré d’un détail à l’autre :
le bruitage du thé servi dans des tasses, celui du riz versé, celui du carillon de la porte ou encore la pluie qui tombe créé par de petits grains délicatement jetés dans un parapluie de papier.
Certaines sonorités émanent de fers à repasser, de caisses en carton, de cloche de vache ou de broc !  L’originalité de ce décor sonore est due à Max Vandervorst.La bonne âme du Se-Tchouan
Sous le halo des lampions, des cierges magiques, des lampes de bicyclettes (création des lumières de Mathieu Houart), marionnettes (conception de Joha, Dils et Sylvie Van Loo) et comédiens, sous la direction conjointe de François Houart et Gaspar Leclère, vont et viennent dans un savant ballet, réglé au millimètre près, pour nous offrir un spectacle total, tant au centre de la piste, que sur les côtés, dans le ciel du chapiteau ou sur les gradins. L’action est partout.

Travail de toute une troupe, La bonne âme du Se-Tchouan, c’est Brecht dans l’esprit, dans les mots, dans le texte.
Sous le chapiteau des Baladins, là où tout est possible, là où le rêve, la poésie, la magie (l’imagination et le talent également) règnent en maîtres, cette farce tendre, pleine d’humour, d’amertume et drôlement réaliste est abordée avec tant de finesse et d’intelligence qu’elle sera appréciée par tous les publics, toutes générations confondues.

Spectacle vu le 11-08-2013
Lieu : Festival Royal de Spa (Salon Gris)

Une critique signée Muriel Hublet

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