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Une Lettre à Cassandre
Une Lettre à Cassandre  José est là-bas, loin, dans la lourdeur étouffante du désert, cantonné dans une caserne, dans une quelconque mission de paix dont les tenants et les aboutissants paraissent bien obscurs.
Dernier lien avec l’extérieur, dernier ancrage, Vera sa compagne, son amante.
Avec des termes doux, tendres, presque rassurants, il lui parle de sa vie en garnison, de son amour, de quelques faits du quotidien.
Figé dans un quasi-immobilisme impressionnant, Karim Barras va laisser son esprit errer entre les mots.
Se dessine alors le portrait d’un homme ravagé, détruit, épuisé.
Égaré dans la spirale des souvenirs, il tressaille au moindre coup de feu, il ne dort plus, il entend des voix.
Moment prenant, intense Karim Barras communique son angoisse, son sentiment d’oppression, suggérant l’innommable, transcendant la tension qui l’a envahi.  Son jeu est bouleversant et sublime la force et le réalisme du texte de Pedro Eiras.

David Strosberg a choisi l’absolue pureté pour sa mise en scène, pas de gestes ou si peu, pas de mouvements, quelques sons (Guillaume Istace) et la magie des lumières (Nicolas Olivier) pour souligner, amplifier ou adoucir les traits de José et Vera.

Comme la lettre, nous sommes plongés dans le noir, le temps d’arriver à destination, entre les mains d'Anne-Pascale Clairembourg qui incarne à merveille cette lumineuse et torturée jeune femme.
Telle Cassandre, elle possède le don de prédire l’avenir, de deviner, de pressentir.  Plus souvent malédiction que cadeau des cieux, cette capacité va l’entraîner à lire et relire sans cesse les mots de José.
Elle sent les fêlures, les failles, les douleurs cachées.
Elle veut comprendre.
Elle doit savoir.
Son monologue, doublement fragile, explore ses propres faiblesses, mais aussi part à la recherche de ce qui obsède José.

Un superbe moment théâtral, un double tête-à-tête exceptionnel, une plongée dans l’intime de la pensée, dans l’horrible de la guerre, dans la beauté des mots et leur poésie.

Spectacle vu le 27-04-2013
Lieu : Théâtre Les Tanneurs

Une critique signée Muriel Hublet

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