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AlpenstockLa poulette et le lapin
Au pays des montagnes, des vaches et des culottes de peau, le couple Fritz-Grete est l’image même du ménage hyper conventionnel.
Lui est un fonctionnaire tatillon, elle une ménagère accomplie qui trouve sa fierté dans la chasse aux grains de poussière.
Leur belle harmonie, tout apparente, n’est que façade et routine et fait frémir d’horreur et éclater de rire devant un pareil ridicule (la tirade de Grete - Isabelle Paternotte - sur l’entretien de la maison, ânonnée comme une leçon bien apprise en est un parfait exemple, en plus d’un petit régal théâtral), le comportement coincé et pontifiant de Fritz - Frederik Haùgness - est tout aussi ineffable.
Il suffira de très peu pour ébranler irrémédiablement la fragilité d’un tel édifice.
Pour Poulette et Lapin, ce sera l’achat d’une nouvelle marque de détergent, suivi de l’irruption de Yosip Karageorgevitch Assanachu (Christophe Herrada), un Balkano-carpato-transylvanien.
La suite de cette comédie déjantée explosera dans un joyeux délire qui va accumuler allègrement toutes les improbabilités imaginables juste pour le plaisir de nos zygomatiques.

Pourtant, derrière l’amusement facile, le cocasse des situations, la fantaisie de la gestuelle et le piquant de certains propos, le rire est parfois jaune tant le texte de Rémi De Vos est caustique et d’un cruel réalisme.
Il épingle avec férocité notre racisme primaire, nos idées préconçues débiles, notre tendance à tout simplifier ou à tout catégoriser.

L’équilibre délicat entre l’amer constat que tire Rémi De Vos de notre société trop bien-pensante, engoncée dans un corset de préjugés et de stéréotypes aussi nombreux et envahissants que des grains de sable dans un maillot mouillé et le ton volontairement décalé presque primesautier qu’il met dans la bouche de ses personnages trouve dans la mise en scène de Claude Enuset un écho, un amplificateur idéal.
Alpenstock
Dans un décor assez minimaliste, mais soigneusement réfléchi, avec quelques accessoires, mais en utilisant intelligemment musique et jeux de lumière, il donne à Alpenstock un côté ludique, un zeste de folie.
Divisé en courtes saynètes, certaines faisant un superbe clin d’œil aux films muets, le spectacle reste sans cesse sur le fil du rasoir entre le surjeu volontaire et l’excès.
Dans un juste dosage, jamais il ne basculera dans le second.
Claude Enuset et ses comédiens, Isabelle Paternotte, Frederik Haùgness et Christophe Herrada,  nous offrent un travail complice et généreux, précis et méticuleusement réglé.

Burlesque, cocasse, carrément décapant par instants, Alpenstock est au premier degré une comédie, qui ne manquera pas cependant, d’en interpeller certains et de pousser à une saine réflexion après ces moments délirants et jouissifs, qui font furieusement tant de bien.

Spectacle vu le 24-01-2013
Lieu : Centre Culturel Bruegel

Une critique signée Muriel Hublet

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