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HEROES (Just for one day)
HEROES (Just for one day)   Quand, au terme de sa vie, ou presque, on se retourne et on regarde derrière soi…
Que voit-on ?
Image d’un paysage paisible ? Lambeaux d’une affiche criarde ou morceaux épars d’un poster idyllique ?
Le bilan que Jean-Pierre Baudson dresse est particulièrement navrant.
Et dans une sorte de trip de dernière minute, il essaie de tout rattraper.

Il envoie aux orties principes et règles de vie pour devenir Popi Jones un chanteur punk rock qui ose bousculer les conventions, vivre et être libre
Il brise tous les tabous dans lesquels Jean-Pierre s’est toujours laissé enfermer, par faiblesse ou complaisance.
Enfin, il le rêve, il l’espère, il s’en enivre.
Deviens ce que tu peux, ce que tu veux…
Parti dans une sorte de sombre road movie musical, il va révéler ses fêlures, ses lâchetés, ses veuleries.
Mais peut-on renaître de ses cendres ?

Dans une série d’aller-retour entre théâtre et musique, il nous fait découvrir quelques-uns de ses phantasmes et de ses échecs.
Abruti par un travail à la chaîne, handicapé aux mains, viré, marié sans amour, sa vie n’avait ni sel, ni goût.
Devenir Popi est comme d’arrêter de regarder les gâteaux à l’étalage de la pâtisserie, le nez collé contre la vitre glacée, mais d’enfin pouvoir entrer, en saisir un et le croquer voluptueusement.
Vincent Hennebicq a créé (collectivement avec les acteurs) un personnage complexe, ambivalent et trouble.
Jean-Pierre Baudson dérange et agace, mais surtout apitoie par ses tentatives maladroites pour quémander de l’affection, de la reconnaissance.
Comprendra t-il jamais la portée du mot amour ?
Incantation magique, évocation mystique, mot de passe, leurre, vaine promesse, coup de dé, hasard balayé d’un coup de pied…

L’arrivée de son fils (Raven Ruëll) sera un véritable déclic, un déclencheur et va imprimer à Heroes un authentique virage théâtral puissant et prenant.
Impitoyablement, il décrit son père et leurs relations. Le portrait bien peu flatteur, voire reluisant lui enlèvera toute bribe d’humanité, le ravalant au rang de vieux con borné, de hHEROES (Just for one day)   as been égoïste et frustré.
Dans une scène pleine d’émotion, il crache ses déceptions, ses frustrations d’enfant ignoré par un ersatz paternel perpétuellement absent, tout au moins en pensée, il hurle ses souffrances. Son ton froid, glaçant, quasi monocorde est comme autant de camouflets qui conduiront son géniteur à l’état de loque humaine ou presque.
Dans son esprit, désormais tourne en boucle l’amère question…
Combien de temps encore ?

Spectacle ambigu, Heroes est comme une petite pépite, il faut gratter le sol, s’user les ongles, s’égratigner les genoux pour l’obtenir, la nettoyer et la faire briller.
Ceux qui en auront la patience et la sagacité apprécieront la profondeur du propos, la puissance des mots, en percevront détresse et souffrance, se laisseront séduire par le jeu de Raven Ruëll et Jean-Pierre Baudson.

Spectacle vu le 07-11-2012
Lieu : Théâtre National - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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