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Happy Slapping
Happy SlappingFrissons et intensité garantis, Happy Slapping plonge dans la détresse d’une adolescence désabusée, dégoûtée.
Son auteur, Thierry Janssen nous fait suivre à rebours le cheminement de Spielberg, Lucas, Coppola et Scorsese.
Sous ces pseudonymes se cachent quatre âmes tourmentées, des gosses sans repères, déboussolés, sans passé, sans avenir, sans rêves ni utopies.
Les enfants du chaos, les rejetons paumés, les rebuts d’un monde dégénéré, la génération perdue, la dernière avant le 21 décembre 2012, voilà comment ils se voient, se décrivent, se jugent.
Étouffés, étriqués, ils se sentent le besoin de le hurler à la face du monde, de réveiller la conscience des adultes aveuglés, endormis, englués que sont devenus à leurs yeux les héritiers de mai 68 et autres années prodigues.
Nés à l’ère de l’internet, de la vidéo et du Smartphone, c’est en filmant leurs actions violentes et en les publiant sur le web qu’ils espèrent provoquer le sursaut salutaire, la prise de conscience, la révélation libératrice… ouvrir les yeux et les esprits

Avec ce texte fort, pertinent, puissant, Thierry Janssen aborde avec un réalisme crû, mais jamais provocant, vulgaire, outrancier ou jouant sur la corde du pathos, le malaise de la jeunesse, leur vision faussée de la vie, leur rapport à la sexualité, à la violence gratuite comme moyens d’expression, carrément d’existence parfois.
Alexandre Drouet s’en empare pour créer une mise en scène ping-pong.
Julien Besure (un excellent Coppola tout en contrastes),  Sandrine Desmet (Iris, fleur et bourgeon, vraie femme enfant), Jérémie Petrus (superbement fragile Lucas) et Thibault Wathelet (plein de fêlures et de folie, on en redemande) se dédoublent.
Ils sont sur scène et sur écran, qui n’est quasi jamais que le support aux déchaînements violents.
Ces allers-retours permanents, ces espèces de huit émotionnels permettent de déstabiliser la chronologie, de rendre plus réceptif à la dérive psychique et presque perverse de Spielberg, Lucas, Coppola et Scorsese.
Côté théâtre, on applaudira le travail des jeunes comédiens et les minutieux réglages nécessaires pour obtenir un tel résultat.
Intelligemment, la scénographie d’Alessia Wyss est très épurée, représentant simplement un univers glauque et rouillé. Pas de grands effets scéniques ou d’accessoires sanglants non plus,  seuls quelques éclairages profonds (signés Jérôme Dejean) amplifient ou soulignent les différents tableaux.

Complexe et limpide, pure et fouillée, Happy Slapping ne laisse pas indifférent.
Si d’emblée elle surprend et séduit par les qualités de jeu de ces très jeunes acteurs, ce sont leurs pensées, leurs cris, leurs souffrances qui nous déchirent, nous happent et nous interpellent aussi sûrement qu’une gifle en plein visage.
À tel point, chose très rare, qu’en quittant la salle, on est presque frustré, taraudé par l’impression d’être passé à côté d’une bribe de phrase, d’un bout de paragraphe.
Qu’on a envie de lire le texte, de rembobiner la vidéo, de revoir la pièce pour mieux percevoir inflexions de voix et sens des mots !

Spectacle vu le 06-11-2012
Lieu : Atelier 210

Une critique signée Muriel Hublet

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