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La robe de Gulnara
La Eobe de GulnaraSorte de fable contemporaine, La robe de Gulnara nous transporte entre Arménie et Azerbaïdjan, sur un bout de terre devenue refuge pour des milliers d’oubliés, d’exilés.
Couleurs, races et religions se confondent et s’entassent dans cette enfilade de wagons, dans ce no man’s land en marge de l’humanité.
Dans ce véritable microcosme, sorte de petit village où chacun connaît tout le monde, où la vie se vit aussi par procuration, où la dureté, l’égoïsme et le chacun pour soit sont la règle, le sourire, la gentillesse et la générosité de Mika (treize ans) ne sont pas sans surprendre et lui valoir bien des indulgences.
Mais cela ne la met pas à l’abri des bêtises …

Folie, poudre aux yeux dans ce désert de cailloux où le bonheur ne semble plus pousser, peut-être… Mais pour son mariage avec Arif, sa sœur Gulnara a dépensé les économies de sa courte vie pour s’acheter une robe blanche.
Quand en jouant, Mika tâche irrémédiablement le tissu immaculé la colère de Gulnara est immense et…

Simple, claire, limpide, presque comme un conte que l’on raconte aux enfants, La Robe de Gulnara est présentée comme un livre dont on tourne les pages.
Chapitre après chapitre, le récit se construit, sans un mot de trop, sans tomber dans le pathos ou dans le mièvre, sans tirer sur la ficelle du pauvre réfugié, mais simplement en montrant que derrière ce statut il y a aussi des hommes et des femmes guère différents de nous avec les mêmes sentiments et les mêmes souffrances.

Sans juger ou polémiquer, le spectacle ouvre à la réflexion et au débat, mais surtout sans crier gare, au détour d’une phrase ou d’un regard, il vous remue, vous retourne ou vous bouleverse, vous renvoie à vous-même et votre vécu ou mieux réussit à vous faire percevoir toute la cruauté du sort de Mika mais aussi l’immense amour et abnégation qu’elle devait porter en elle.

À l’image du récit, la mise en scène de Geneviève Damas est toute fraîcheur et frémissements dans une scénographie pourtant sombre, avec pour tout élément de décor une énorme commode-wagon (Christine Flasschoen). Elle dirige avec précision ses cinq comédiens -Maya Boelpaepe (superbe Mika), Laurence Briand (très juste tant en Gulnara qu’en Arzu), Saïd Jaafari (bondissant Mubaris mais tout aussi à l’aise dans la maturité, un acteur prometteur ?), Anne Sylvain (trois femmes, trois interprétations, géniale), Gérald Wauthia (odieux Javanshi comme on les aime, excellent Mahiaddin et délicieusement faible Kazimov)-, les fait changer de rôles, de registre, de tenues (Chandra Vellut), ça bouge, ça fuse, sans temps morts. La Robe de Gulnara
Souci du détail, de l’infime élément, de l’accessoire, du geste et de l’image, tout y est, rien de trop, rien de manque pour vous faire vivre, vibrer, ressentir, pour vous prendre aux tripes.
Spectacle coup de cœur, La Robe de Gulnara ne laissera personne indifférent.
La chaleur des applaudissements le démontre amplement, mais le nombre d’yeux mouillés et de petits reniflements sont probablement le plus beau merci donné aux artistes, pour leur montrer que leur travail et leur talent ont subjugué le public.

Spectacle vu le 14-08-2012
Lieu : Festival Royal de Spa (Salon Gris)

Une critique signée Muriel Hublet

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