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V. Rimbaud
V. Rimbaud Derrière chaque grand homme se cache une femme a dit Gabriel-Marie Legouvé.
Une épouse, compagne, sœur, mère, souvent nous a marqué de son empreinte. Elle a tracé les sillons profonds de notre personnalité.
Le poète Arthur Rimbaud décrit sa mère comme une froide bigote aussi inflexible que soixante-treize administrations à casquettes de plomb.
Mais qui sommes nous en temps qu’enfants pour juger le parcours de nos parents, pour comprendre le cheminement qui les a menés aux rides d’aujourd’hui, aux mains crevassées, au dos voûté, au caractère aigri, taiseux ou revanchard ?

Avec V.Rimbaud de Françoise Lalande, Marie-Claire Clausse se propose de nous montrer la femme qui se cache derrière l’austère et rigoriste dont l’histoire a gardé l’image.
Vitalie Cuif, la mère d’Arthur Rimbaud, a perdu la sienne à l’âge de cinq ans.
Unique fille de la fratrie, elle a dû refouler son chagrin, devenir très tôt ménagère, gestionnaire, épauler son père, mais surtout renoncer aux joies et délices de l’enfance, aux rêveries d’adolescente, à une présence féminine complice et conseillère, à un modèle de référence.
Sa rencontre avec le Capitaine Rimbaud est vécue comme l’espoir de recevoir enfin tout l’amour dont elle a été privée pendant ses toutes jeunes années.
Mais quand son mari l’abandonne, le ventre gros, après chaque permission, quand il retourne à sa confortable vie de célibataire en garnison, la laissant seule pour élever les enfants, gérer la ferme, assumer les maladies et les deuils, la rancœur et la désillusion remplacent rapidement tout autre sentiment dans le cœur de Vitalie.
Elle choisit de devenir V.Rimbaud avec un V comme dans veuve, symbole du renoncement, de l’abandon, du chagrin, de la solitude glacée et glaciale dans laquelle elle est.
Seule sur scène, Marie-Claire Clausse se transforme en fillette fragile, seule devant le corps gisant de sa mère, impuissante face aux larmes de son père.
Elle revit ses émois de jeune fille amoureuse qui idéalise un destin qu’elle espère enfin rose, elle revoit la galanterie du soldat sans en percevoir les failles.
Devant un professeur, elle redevient la mère éperdue prête à tout pour voir revenir à la maison son fugueur de fils ou se drape dans sa dignité douloureuse dans le cabinet du médecin.
Au fil du récit, tout change et se transforme, l’enfant devient femme, la fragile innocence se fait dureté cassante, la voix fluette se fait rugueuse et volontaire.
La comédienne signe une jolie prestation qui prendra tout son un relief dans un lieu intimiste où chaque mot, geste et inflexion pourront au mieux saisir au cœur et à l’âme.

Portrait humain, poignant et saisissant, V.Rimbaud est bien plus que l’histoire romancée d’une vie, le spectacle dépeint d’une femme ou d’une mère.
Interpellant, il se veut un miroir introspectif tendu nous questionnant sur notre réalité, notre perception, notre ressenti, nos refoulements.
Quelle image projetons-nous vers nos enfants, vers les autres ?
Est-ce vraiment celle-là que nous souhaitons donner de nous ?
À savourer et à méditer


Spectacle vu le 02-06-2012
Lieu : Chapiteau des Baladins du Miroir

Une critique signée Muriel Hublet

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