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Cendrillon
Cendrillon, la princesse de rêve, le prince charmant, la marraine Fée, la citrouille, la pantoufle de verre...
Ce classique de Charles Perrault, adapté au cinéma par Disney, a enchanté des générations de petites filles.
Joël Pommerat s’empare du conte, le décode pour nous en offrir une vision contemporaine aussi séduisante que surprenante.
La fragile demoiselle douce et tendre s’envole pour laisser la place à une gamine enfermée dans le deuil et le chagrin jusqu’au paroxysme. 
Elle accepte les pires brimades voire se les inflige elle-même par peur de défaillir au devoir de mémoire dont elle se sent redevable et responsable suite au décès de sa mère.
D’emblée, Joël Pommerat aborde donc le délicat sujet de la mort, du souvenir et de la survivance.
Jusqu’où peut-on aller dans l’adoration d’un défunt ? 
Quel sacrifice est-on prêt à consentir pour le garder vivant dans nos cœurs ?
Et surtout comment un enfant perçoit-il la disparition d’un de ses parents ?

La petite Sandra, qui deviendra Cendrier  et ensuite Cendrillon, a mal compris les dernières paroles prononcées par sa mère.
Elle se sent donc investie d’une mission sacrée : la préserver de l’oubli éternel.
Elle muselle son chagrin, repousse toutes les joies et les besoins de l’enfance pour penser (grâce à une montre chrono) à sa mère toutes les cinq minutes, et ce, nuit et jour.
Si on ajoute au drame de cette enfant, un père lâche, une future belle-mère dominatrice et deux futures demi-sœurs teigneuses, égoïstes et geignardes, le tableau devient noir de noir.

Au-delà de cette intelligente et prenante refonte du mythe de Cendrillon, le travail de Joël Pommerat est bien plus complexe.
Il mélange inextricablement rires et larmes, alternant habilement un certain grotesque volontairement accentué, une sensibilité d’écorchée vive et des situations cocasses ou poignantes.
Scénographie, lumières, gestuelle, musiques, chanson, tout n’est qu’esthétisme et un véritable écrin pour les émotions qui se dégagent du spectacle.
Comme à son habitude, il n’a rien laissé au hasard.
Chaque geste est précis, millimétré, étudié, travaillé.
Chaque comédien est poussé au bout de lui-même, rien que sa silhouette à contre-jour, suffit à traduire son état d’esprit du moment.
Deborah Rouach nous bluffe littéralement dans ce rôle de petite solitaire renfrognée et qui a presque peur de vivre.
Catherine Mestoussis explose dans son interprétation de la marâtre.
Alfredo Canãvate est tout à la fois le veule père démissionnaire et un roi un tantinet loufoque.
Noémie Carcaud est la plus grande des deux sœurs et une marraine plutôt déjantée.
L’autre Caroline Donnelly sera aussi le jeune prince charmant, également aux prises avec un deuil dissimulé.
Cendrillon avec cinq acteurs !
Qui aurait osé l’imaginer à part peut-être Pommerat ?
Ne ratez donc pas ce rendez-vous retrouvailles-découvertes, cette rencontre théâtrale assez inoubliable.
Il vous sera impossible de résister aux charmes de cette Cendrillon bouleversante.
La plus belle preuve en est le silence religieux et les regards captivés des enfants qui assistent au spectacle.

Spectacle vu le 13-10-2011
Lieu : Théâtre National - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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