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On se suivra de près
On se suivra de près Un corps de femme, rigidifié par la mort, gît solitaire dans la froidure du matin.
Deux hommes l’emportent, emmaillotée dans un linceul de plastique.
Qui est-elle ?
D’où vient-elle ?
Pourquoi et comment est-elle morte seule sur un banc ?
Ces questions, les policiers français devront y répondre.
La loi leur donne six jours pour identifier le cadavre de l’inconnue, faute de quoi, elle sera inhumée anonymement dans une fosse commune.

Aurélie Namur, auteure de ce texte et interprète de la défunte, fait commencer la pièce comme un polar.
Elle nous plonge aux côtés de Tachnakian, l’officier en charge de l’enquête.
Il sera aidé par un étrange messager des Dieux, qui les pieds ailés comme Hermès, a pour mission de sensibiliser les gens à ce qui est une véritable tragédie.
Pour seul témoignage, il n’a que les dires de Virginie Naty, une paumée du quartier, qui a eu la chance de découvrir le cadavre.
S’ils n’ont aucun lien avec la jeune défunte, chacun a un rapport bien particulier avec la mort, chacun la perçoit selon son passé, son vécu, ses perspectives d’avenir…
Chacun s’exprime en fonction des codes que lui ont inculqués son éducation, son métier, ses expériences.
Le public, souvent pris à témoin, assiste complice à des échanges pleins d’un humour de surface qui masque un propos plus profond, plus existentiel.
Ce dernier est plus perceptible dans le dialogue muet entre la morte et le préposé de la morgue qui lui prodigue les derniers soins.
Il la dévêt de ses vêtements, la lave et l’habille de frais dans une chorégraphie débordante de poésie et d’onirisme.
Sous ses mains, elle s’anime comme pour se révéler, pour se dévoiler, pour crier qu’avant d’être un bout de chair pétrifiée, elle a été bébé, enfant et femme… qu’elle a existé !
Très vite, dans ces allers-retours entre ces deux lieux, l’importance de l’enquête s’amenuise, s’effiloche pour devenir un questionnement sur nos rapports à la mort.
C’est d’ailleurs là qu’est le petit bémol du spectacle.  Beaucoup de spectateurs s’attendent à suivre tels des émules de Sherlock Holmes la piste qui livrera dans un happy end glorieux l’identité de la disparue.
Celui qui reste imperméable à la magie, à la poésie et à l’onirisme de la représentation, celui qui continue à regarder mélancolique son inutile loupe d’enquêteur sera obligatoirement déçu.On se suivra de près


Tous les autres, la grande majorité, seront fascinés, captivés par cette fausse énigme qui est comme un miroir que l’on nous tend pour nous interpeller, nous questionner, nous pousser à réfléchir.
Une unanimité se dégage en tout cas pour applaudir plus que chaleureusement le jeu des cinq acteurs (Philippe Baron, Angelo Dello Spedale, Yannick Guégan, Aurélie Namur, Fannie Outeiro), les éclairages de Dimitri Joukovsky et la mise en scène de Félicie Artaud.
On se suivra de près est un véritable travail d’orfèvre, un vrai petit bijou, un splendide poème surréaliste sur la Mort et le sens que nous lui donnons.
Un seul conseil donc, laissez vous porter par les propos amusants, les silences chargés de symboles, les images poétiques, la gestuelle aérienne et si lourde de signification et l’interprétation sans failles des cinq comédiens.
Soyez happés par la valse des interrogations qu’on n’ose jamais ouvertement poser et qui pourtant méritent qu’on en prenne conscience à défaut de s’y attarder ou d’y répondre.

Spectacle vu le 08-11-2011
Lieu : Théâtre Océan Nord

Une critique signée Muriel Hublet

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