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De la nécessité des grenouilles
De la nécessité des grenouillesProbablement inspirée par une Belgique qui après x jours sans gouvernement (je vous laisse le soin de compléter par vous-même ce chiffre qui ne cesse de croître), continue à se débattre dans un imbroglio politico-politicard et dans les querelles d’ego, Virginie Thirion place une loupe délicieusement ironique et (hélas nous ne pouvons que le déplorer très lucide) sur trois drôles d’insectes : des politico-magouillo-gloutons.

Son écriture permet plusieurs niveaux de lecture.
De la simple farce à la satire politique, chaque spectateur sera différemment interpellé selon sa clairvoyance ou son machiavélisme.
Si la scénographie de Sarah de Battice (une salle de sauna, une girouette bien nerveuse, un téléphone, un poisson musical et de l’herbe naturellement artificielle) donne un petit air de campagne (pas électorale), le propos est la mort annoncée de la Ville.
Une usine va fermer.
Des emplois vont être perdus.
Inévitablement, le manque d’argent va pousser à la fermeture d’autres commerces, diminuer le volume des impôts, restreindre le budget de la cité et entraîner une paupérisation totale.
Les dirigeants doivent donc rassurer, sécuriser, promettre et … (tenter de) solutionner.
Une idée géniale plus tard, les trois antihéros de Virginie Thirion imaginent d’assécher le marais voisin pour le transformer en terrain industriel et ainsi attirer de nouveaux investisseurs.
Un seul hic… le marécage est une réserve naturelle et les protecteurs de l’environnement n’accepteront jamais ce saccage.
Mais…
Il y a peut-être une solution (naturellement très immorale).

Intelligente, la mise en scène dynamique de Sofia Betz grossit le trait des caractères et crée une savoureuse série de visuels cocasses.De la nécessité des grenouilles
De la nécessité des grenouilles se déguste comme une bouffonnerie rafraîchissante au ton délicieusement délacé, mais on en apprécie surtout toute la saveur volontairement amère de cette métaphore sur la mal gouvernance actuelle.
Une belle partie de la truculence du spectacle émane de son trio de comédiens.
Baptiste Sornin, le coach médiatique et rédacteur de discours nous attendrit avec ses airs de malheureux opprimés et sa moue tremblotante tandis que Cédric Eeckhout, le conseiller politique, nous régale de ses mines de chat devant un bol de crème.
Karim Barras séduit par la veulerie bravache et l’outrecuidance ridicule qu’il instille dans le personnage du leader. Naturellement charismatique, mais guère fute-fute, mégalomane et couillon, bellâtre et bourreau, il excelle au golf, mais pour le reste n’est quasi qu’une coquille vide.
Sans ses deux sbires pour lui donner du lustre, du relief et de l’éloquence que serait-il vraiment ?

Virginie Thirion ose la question fatidique, celle que chaque citoyen devrait (sans cesse) se poser : Qui et qu’est-ce qui se cache derrière chaque déclaration politique ?
Sommes-nous toujours conscients des enjeux ou simplement des moutons de Panurge ?

Que vous soyez loup ou agneau, impossible de résister à cette fable que l’on pourrait croire sortie en droite ligne du bestiaire de La Fontaine.
Si comme souvent, chacun en percevra différemment la morale et la profondeur, il serait dommage de faire l’autruche et de rater ce rendez-vous avec De la nécessité des grenouilles et ses vilains petits crapauds magouilleurs qu’on aimerait tant pouvoir idéaliser en chevaliers blancs de la politique..

Spectacle vu le 18-11-2011
Lieu : Atelier 210

Une critique signée Muriel Hublet

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