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Cyrano de Bergerac
Cyrano de BergeracCyrano est un mythe.
L’éternel amoureux transi prêt à se sacrifier pour sa belle Roxane.
Le gascon hâbleur, le bretteur hors pair, le poète plein d’esprit au nez comme une péninsule
 qui n’en a pas entendu parler ?
Plus de cent ans après sa première représentation, la pièce d’Edmond Rostand reste toujours actuelle.
Elle est aussi un véritable monument théâtral que contemplent avec envie et respect bon nombre de metteurs en scène.
C’est qu’il en faut du courage pour entreprendre pareille création : 1600 vers (dans son intégralité), 5 actes presque entièrement en alexandrins, une cinquantaine de personnages ou figurants, de nombreux décors (champ de bataille, couvent, ruelle, salle de garde…), des combats et du romantisme…

La troupe de Théâtre en liberté avec Daniel Scahaise à la mise en scène se lance dans l’aventure et nous en proposent leur vision à la fois très respectueuse du texte (comme souvent avec ce dernier) mais aussi plus personnelle et axée sur la profondeur d’âme de Cyrano.
La scénographie volontairement très épurée, faite de quelques tréteaux, des bancs, une lune de bois, une échelle et quelques chaises, nous recentre sur  l’essentiel : les mots de Rostand et ses personnages.  Cette simplicité volontaire est inventive et se révèle un fabuleux tremplin à l’imagination qui nous fera, en un instant, voyager du  siège d'Arras à l’hôtel de Bourgogne en passant par la rôtisserie de Ragueneau.
Jacques Capelle règle les combats, tandis qu’Anne Compère et Costhéa ont peaufiné des costumes originaux aux jolis reflets d’époque.
Daniel Scahaise débute par un style de commedia Dell Arte (avec l’aide de Jean-Louis Danvoye) avant de laisser tomber les masques au fur et à mesure.
Il fait manier la farce et le fleuret avec passion et générosité tout en offrant aux scènes d’amour et pathétiques de superbes écrins visuels.

C’est le travail de toute une équipe, d’une vraie troupe que les comédiens nous proposent.
Seize d’entre eux se partagent les différents rôles (Delphine Bertrand, Denis Carpentier, Toni D’Antonio,  Jaoued Deggouj, Dolorès Delahaut, Laurent Denayer, Jean-Michel Distexhe, Margaret Hermant, Sylvie Perederejew, Laurent Tisseyre et Laure Bardet).
Impeccable comme toujours, Bernard Marbaix est Ragueneau, Stéphane Ledune est un Comte de Guiche hautain à souhait, Julie Lenain incarne une délicieuse Roxane, Gauthier de Fauconval insuffle à son Christian énormément de justesse.
Il en fait ressentir les forces et les faiblesses de celui que trop souvent on présente comme un bellâtre idiot alors qu’il a le courage et la volonté d’un homme qui veut être aimé pour lui-même.
Christophe Destexhe est un Cyrano magnifique.

Qu’il vocifère ses colères, qu’il hurle contre les imbéciles, qu’il se révolte contre les diktats de la société, il assume sa différence.Cyrano de Bergerac
Antihéros fier et bravache, il n’est qu’une image derrière laquelle se cache l’âme d’un homme sensible.
Christophe Destexhe nous fait découvrir toutes ces failles et ainsi nous en offre un portrait attachant bien loin du matamore dont certains nous ont distillé le souvenir.

Il n’y a qu’un bémol à ce spectacle généreux, humain, l’acoustique.
Certains mots s’envolent bien loin des oreilles des spectateurs.
Parfois sont-ils prononcés trop vite, d’autrefois couverts par un bruit ou musique, mais il est dommage de perdre le rythme et la beauté des vers de Rostand.
Mais pour le reste, on ne peut que chaleureusement applaudir cette extraordinaire mise en scène, l’efficacité et le talent de toute la troupe du Théâtre en Liberté et la superbe prestation de Christophe Destexhe.

Ne ratez donc pas ce rendez-vous avec un classique résolument moderne, plein de poésie, de pittoresque… un vrai petit bijou théâtral.

Spectacle vu le 05-11-2011
Lieu : Théâtre des Martyrs - Atelier

Une critique signée Muriel Hublet

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