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Les névroses sexuelles de nos parents
Nous sommes l’héritage de nos parents.
Au niveau génétique naturellement, mais impossible de nier l’importante influence de l’éducation reçue, du vécu, des perceptions qui ont marqué notre enfance.
En grandissant, nous mâtinons ces acquis, ces innés d’une touche d’expériences personnelles, de nos révoltes d’adolescents, de nos idéalismes de jeunes adultes.

Avec Les névroses sexuelles de nos parents, l’auteur suisse Lukas Bärfuss imagine une page blanche, une jeune fille vierge de toute éducation, de tout tabou, de toute inhibition, de toute retenue.
Dora a été maintenue sous camisole chimique pendant de nombreuses années.
Chacun dans son entourage s’est créé une égoïste petite routine.
Il suffit pour cela d’écouter certains des propos édifiants de son employeur (Jean-Claude Derudder) au sujet des handicapés.
Jusqu’au jour où sa mère (Beatrix Ferauge), par désœuvrement et besoin de se justifier, souhaite rendre un peu de vie et de réaction à l’enfant toujours obéissante et amorphe qu’est devenue sa fille.
Elle force la main au médecin (Thierry Janssen) pour stopper toute médication.
Mais n’est ce pas là entrouvrir la boîte de Pandore ?

Dora se découvre vite un énorme appétit de vivre et une soif de liberté.
Sa rencontre avec l’homme (Nicolas Ossowski), l’amant et le sexe va lui ouvrir des horizons insoupçonnés.
Sans pudeur, sorte de petit animal qui vit selon ses besoins et ses désirs,
elle veut simplement être comme tout le monde, exister, aimer, avoir une famille et un bébé.
Son innocence va en faire une proie facile et une poupée malléable.
Viol, coups, avortement, stérilisation, mensonges, abus de confiance, la femme-enfant, l’innocente subira tout dans sa chair et dans son esprit.

Avec détachement, Lukas Bärfuss expose des faits, dissèque des situations, sans jamais prendre parti.
Cette distanciation glaciale et glaçante est un coup de poing qui nous jette hors de nos sentiers battus, hors de nos bienséantes pensées pour nous obliger à une solide remise en question.
Guy Pion, dans sa mise en scène, a respecté cette froideur.
Chaque personnage a autant de charisme qu’une machine à glaçons, tout au moins en apparence, car pour peu que l’on gratte derrière chaque apparence ce sont d’immenses fissures qui lézardent ces façades de bon aloi.
Grâce à la scénographie modulable et inventive d’Aurélie Borremans, nous voyageons de lieu en lieu sans trop devoir recourir à une imagination qui risquerait de nous faire magnifier certaines images.  Pour éviter cela, Guy Pion distille ça et là quelques passages vidéo (Sébastien Fernandez) épurés ou glauques à souhait.
Dans cet océan de froideur, Dora, incarnée par une vibrante et émouvante Sarah Brahy, est une véritable flamme à laquelle chacun se brûlera, qui laissera dans l’esprit et dans la vie de tous des traces désormais indélébiles.

Pièce de tous les contrastes, Les névroses sexuelles de nos parents  ne laissera personne indifférent.
Chacun sortira de la salle avec pas mal de questions à l’esprit.
Qu’elles concernent le droit à la sexualité, les limites de celle-ci, les droits des handicapés, l’eugénisme ou les diktats parentaux, peu importe.
La première des libertés n’est-elle pas de penser ?

Spectacle vu le 28-01-2012
Lieu : Bozar

Une critique signée Muriel Hublet

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