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Britannicus
BritannicusCette tragédie en cinq actes de Jean Racine s’inspire de l’histoire romaine et évoque l’instant où Néron, avide d'autorité et de puissance, bascule dans la barbarie voire la folie.
Le metteur en scène Georges Lini a choisi de l’adapter avec une certaine contemporanéité pour mettre en exergue l’attrait du pouvoir, son influence perverse sur les caractères, la violence qu’il peut engendrer.
Plus qu’empereur, Néron est aussi un homme et a été un enfant dans une famille comme l’on dit aujourd’hui recomposée.
Son enfance, et celle de son demi-frère  Britannicus, n’a été jonchée que de disputes, tensions, manipulations et autres jalousies.
Ce sujet fétiche, George Lini l’a déjà abordé avec succès dans plus d’un spectacle (Incendies, La cuisine d’Elvis…).
En nous proposant cette vision sombre et violente, très respectueux du texte, il ne dénature en rien Racine, il lui donne simplement un éclairage différent.
Fini la lenteur pondérée et larmoyante classique, cette version se décline dans un phrasé dynamique, énergique et tendu qui laisse une grande place à l’image.
Pas celle coup de poing, mais une série de nuances,d’appels discrets comme cette figure du temps que l’on retrouve dans la forme de la scène, le mouvement d’une ampoule ou les pas des comédiens.
Le décor (de Renata Gorka) est une de piste de skate-board où naturellement l’équilibre est donc précaire.  Ce choix permet aussi de faire visualiser d’un simple coup d’œil les forces en présence.
Dominant et dominé s’affrontent sans cesse sur des hauteurs différentes, dans de grandes envolées de costumes à mi-chemin entre pardessus modernes et robes de samouraïs, le tout dans des couleurs rouges sanguines.

Toute l’habilité de Georges Lini a également été de s’entourer d’une solide équipe.
En tête de distribution,  Didier Colfs transcende Néron.
Vindicatif, rageur, fragile, frustré, quémandeur, il excelle dans tous les registres tout en y imprégnant en permanence une once de folie démoniaque.
Anne-Pascale Clairembourg, Junie, a le tragique d’une femme amoureuse contrainte à masquer ses émois pour mieux protéger son amant.
On épinglera la scène des retrouvailles avec Britannnicus (Itsik Elbaz) où, immobile, elle fait passer sur son visage, dans ses yeux dans le frémissement de ses mains, dans les tremblements de son corps toute sa douleur contenue.
Britannicus Agrippine est interprétée par une troublante et serpentine Valérie Lemaître, vindicative, perverse, manipulatrice, elle est à la fois la vipère qui, tous crocs dehors, s’apprête à fondre sur sa proie et le boa qui, traitreusement, commence par se frotter légèrement, s’enrouler doucement avant d’entreprendre une mortelle étreinte.

C’est donc un rendez-vous avec un classique très contemporain, un texte décidément intemporel, que nous fixe l’Atelier 210 et la Compagnie Belle de Nuit.
Une rencontre différente, puissante et prenante, faite d’émotions, de rebondissements, un duel entre deux monstres maléfiques et magnifiques, un perpétuel balancier entre pouvoir et persuasion, entre faiblesse et violence.
Assister à un combat d’une telle intensité est un rare moment, qu’il serait dommage de manquer.

Spectacle vu le 11-10-2010
Lieu : Atelier 210

Une critique signée Muriel Hublet

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