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Bęte de style
Après Affabulazione la saison dernière, le metteur en scène Frédéric Dussenne continue son exploration de l’œuvre de Pasolini.
En portant son choix sur Bête de style, il opte pour un texte complexe, qui n’est qu’impressions et ressentis.
En effet, l’auteur italien mélange à des éléments de la vie de Jan Palach, l’étudiant tchécoslovaque qui s’est immolé par le feu lors du Printemps de Prague, son propre passé.
Sous sa plume naît un être tourmenté, déchiré, exalté et rebelle.
La poésie des mots, leur vigueur, leur virulence, leur conviction s’entrechoquent dans un bouillonnement d’idées, de sensations, de perceptions, de contradictions, d’apparentes divagations, de souffrances, de désirs, de refoulements, de frustrations, d’espoirs et de déceptions.
C’est quasi un pari fou de monter un spectacle fait de monologues, sans grande action et à la linéarité peu tangible.
Si l'on aborder Bête de style avec un peu d’appréhension, force est de reconnaître que Frédéric Dussenne nous offre un travail soigné et prenant.
L'art poétique de Pasolini est là, présent, perceptible, sous forme d’images pénétrantes, lumineuses.
Elle se prolonge dans les chants (interprétés par les acteurs).
Sublimés par la voix de Muriel Legrand, ces morceaux, en parfaite adéquation avec la thématique de la pièce, amplifient ou soulignent à merveille ce dernier, mais sont aussi de pures oasis respiratoires entre deux tableaux.
La force, voire la violence du propos, fait de certaines scènes de véritables coups de poing.
Frédéric Dussenne a donc eu la pertinence de ne pas infliger au public une succession qui se serait révélée indigeste à force d’accumulation.
Si malgré tout, la densité et la complexité du texte provoquent certains décrochages ou parfois une impression de confusion, tout s’oublie devant la qualité de l’interprétation des six comédiens.
Ils nous offrent un engagement total. Le corps, dans chacun de ses mouvements ou de ses regards, n’est qu’une extension de la plume de Pasolini et de l’inventivité scénique de Frédéric Dusenne.
Renaud Tefnin interprète magistralement Jan/Pasolini tandis que Julien Coene, Vanessa Compagnucci, Caroline Detez, Muriel Legrand et Josselin Moinet insufflent à leurs personnages, sortes de porte-paroles de l’auteur, une force et une conviction incroyable qui nous permettent d’assister à quelques superbes moments de théâtre comme entre autres l’époustouflante rage vomitive de la mère (Caroline Detez).
S’il ne réussit pas à éviter complètement l’écueil de la complexité et de la densité du texte (mais quelqu’un y parviendra-t-il jamais ?), Frédéric Dussenne nous propose donc un spectacle subjuguant et captivant.
Bête de style, superbement bien joué, n’est qu’intensité, émotions et poésie.

Spectacle vu le 07-09-2010
Lieu : Atelier 210

Une critique signée Muriel Hublet

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