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Kif-Kif
Kif-kifUne nuit.
Une chambre.
Deux hommes, un père et son fils.
Entre eux, une tension palpable fait percevoir un monde de non-dits.
Et si ce soir, enfin, ils se disaient tout, ils allaient au fond des choses, ils osaient se parler sans détour, ils vidaient ce lourd contentieux qui pourrit leurs relations ?
Le kif (mélange de tabac et de chanvre indien) qu’ils fument, va peut-être affaiblir temporairement leurs défenses et les aider à franchir le gouffre qui les sépare ?
Les coucheries du père, ses prétentions politiques, sa conception de la vie, son comportement machiste, le chagrin et la mort de la mère, les souffrances d’un enfant qui essaie de se situer dans ce contexte familial tendu, la sexualité plus qu’ambiguë qu’il développe vont enfin être abordées dans une joute oratoire vive, rapide et incisive.

Dans ce nouveau texte, Pietro Pizzuti explore les rapports entre un père et son fils.
Il nous les présente un peu comme deux lions en phase d’observation, se tournant autour, se cherchant, tentant un coup de patte vicieux, poussant un rugissement effrayant avant, qui sait, de se lancer dans une lutte mortelle.
Il a fait de ses deux protagonistes des lettrés, de fins bretteurs de mots qui, à coups de petites phrases courtes et assassines, vont ébaucher l’essentiel, sans jamais sembler porter de jugement de valeur.
Violents, agressifs, tranchants, acerbes, les dialogues rapides laissent transparaître failles et émotions sans jamais pourtant permettre au conflit d’apparaître clairement.
Le contentieux familial ne sera qu’évoqué, esquissé, mais la divergence d’opinions politiques méritera elle pas mal de longues tirades.
Présenté comme le pendant masculin de la pièce Le silence des mères (du même auteur) restée dans beaucoup de mémoires comme un chef-d'œuvre de sensibilité, Kif-kif est donc d'entrée de jeu victime d’apriorisme et de comparaisons.
Mesuré à l’aulne d’une telle référence théâtrale, inévitablement le risque de déception est grand et dessert d’emblée le spectacle.

Et c’en est dommage, car la mise en scène discrète et efficace de Christine Delmotte intensifie la portée du texte, densifie la complexité des relations père-fils et cristallise littéralement le conflit latent.
Superbes, Christian Crahay (le père)  et Cédric Ecckhout (le fils) insufflent à leurs personnages intensité, force et authenticité.
Ce travail de toute une équipe et le talent des deux comédiens mettent brillamment à nu le silence des pères et le besoin des fils de se trouver une place hors de l’encombrante ombre tutélaire.
Servie par deux excellents acteurs, cette joute verbale (et physique) remet en mémoire le thème de l’acceptation de l’autre dans ses différences, mais une fois de plus il met en évidence la nécessité de communiquer.
Intimiste et voyeur, puissant et prenant, Kif-kif remue les émotions et suscitera pas mal de questionnements parfois bien nécessaires, voire primordiaux.

Spectacle vu le 29-04-2010
Lieu : Théâtre des Martyrs - Atelier

Une critique signée Muriel Hublet

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