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La Griffe
Grandeur et décadence d’un bigleux
La Griffe    Noël, charmant bambin affublé d’une vue particulièrement déficiente, est imposé par sa mère adultère à un homme qui traîne derrière lui les souvenirs douloureux de sa captivité en Allemagne.
Très vite, il devient le souffre-douleur de ses condisciples.
Etre différent est un poids très lourd à porter.
En pleine révolte contre l’école et surtout contre la vie, sa vie, il préfère grimper au plus haut et rapidement dans l'échelle sociale, au mépris de toute morale.
Sa première méthode pour gagner de l’argent : prostituer une de ses petites camarades.
Malgré une solide dérouillée lors de cette expérience, c’est la haine au cœur qu’il décide de profiter de toutes les possibilités de planter sa griffe rouge dans les tripes des nantis.

Cette comédie cynique et noire traverse les époques et les milieux sociaux, mélangeant allègrement le misérabilisme des bas-fonds londoniens et l’élégance huppée et vénéneuse de la haute bourgeoisie.
Première pièce d’Howard Barker, La Griffe souffre de la générosité et de la fougue d’un auteur qui accumule les genres pour mieux dénoncer notre monde et son système de fonctionnement dépersonnalisant ou broyeur d’âmes.
Sa vision parodique et cinglante surfe sans cesse sur la vague qui sépare l’humour et l’étrange, le joyeusement incongru et le choquant.

Georges Lini, pour la première fois aux Martyrs, dirige la troupe du Théâtre en Liberté et compose un spectacle mené tambour battant.
La scénographie protéiforme de Daniel Scahaise lui permettra de maintenir ce rythme en passant sans coup férir de la noirceur poisseuse du cloaque natal de Noël Biledew à un hôpital psychiatrique, un salon de thé ou un intérieur de ministre.La Griffe
Il conduit de manière précise ses acteurs en forçant le trait déjanté ou absurde des situations.
Si ces dernières font sourire, difficile pourtant de ne pas être sensible à la rage justifiée, au juste courroux d’un homme malmené par la vie, qui s’est juste fourvoyé et qui n’aura qu’un tort, celui de tomber amoureux.


Tragédie cruelle, caustique et romantique, La Griffe séduit par son côté jubilatoire, mais les dernières scènes, un drame silencieux, réaliste et pesant qui met en accusation la corruption et les abus du pouvoir en place, plombent un peu le déjanté de l’ensemble.

S’il est un reproche à apporter à ce spectacle, c’est sa qualité sonore.
Les voix des acteurs ne portent pas en permanence, rendant certains mots un peu incompréhensibles.  Ce phénomène s’amplifie avec la rapidité des déplacements et le ton volontairement exagéré demandés par la mise en scène de Georges Lini.
Un bémol, agaçant par instants, qui atténue l’impact du jeu des comédiens (Jean-Henri Compère, Jaoued Deggouj, Dolorès Delahaut, Bernard Gahide, Youssef Khattabi, Stéphane Ledune, Bernard Marbaix, Sylvie Perederejew, Hélène Theunissen et Laurent Tisseyre).

Gageons que cela se corrigera très vite et permettra de savourer pleinement la vision judicieusement exacerbée, énergique et violente de Georges Lini des malheurs d’un pauvre hère qui souffre et se fourvoye.

Spectacle vu le 15-01-2010
Lieu : Théâtre des Martyrs - Atelier

Une critique signée Muriel Hublet

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