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La Toute Grande
Une salle de réception, trois tables dégarnies, avec les reliefs d’un banquet, un orchestre à cordes en arrière-fond et à l’avant huit comédiens en sous-vêtements, à leurs pieds, soigneusement empilés leurs tenues.
Tout commence donc à l’envers, par un rhabillage, pour continuer dans le rebours par une cérémonie de mariage suivie de son banquet.
Le ton est donné, décalé et audacieux.
Le ton, mais aussi la parole, les comédiens parlent les deux langues, Vondel succède à Molière, sans anicroche, avec naturel et personne ne s’en plaint.
Si certains peineront avec une des langues (faute de surtitrage), La Toute  Grande dans sa grandiloquence théâtralisée, dans son côté visuel, trash, grivois est accessible et compréhensible par tous.
Même les anglophones ne seront pas en reste avec un petit poème déclamé dans leur shakespearien vocable.
Le récit maintenant …
Patrick convole pour la quatrième fois.  Comme il se doit donc au menu, une réception bien bourgeoise, avec en invités la mère poigne de fer qui mène la famille avec une rigueur toute militaire, le frère Yves (Pierre Van Heddegem), une sorte de Tanguy, qui a 38 ans, vieux garçon maniaque toujours sous le toit maternel, compose encore des odes pour la Fête des Mères et envisage de reprendre des études, les deux enfants (Jean Lognay et José de Jong) des premiers lits jaloux l’un de l’autre, la cousine russe (Aurélie Bouvart), la mariée (Carolien Klessens) qui oscille entre la joie que l’on est sensée vivre le jour de ses noces et la réalité déroutante de son propre mariage.
Si le spectacle commence à l’envers, la noce ira de même, imprévus, révélations, aveux et querelles vont fourmiller pendant près d’une heure.
Pas de grands ou de petits rôles ici, mais un ensemble équilibré, où l’honnêteté demande malgré tout de mettre en avant le travail de mime d’Olivier Premel (Patrick, Le marié), la prestation très clownesque de Pierre Lognay (le Laquais du marié) et l’autoritarisme drolatique de Yolein Corten (La Mère du marié).
La Toute Grande se joue des codes classiques pour nous offrir un ensemble mixte qui tient du théâtre, mais aussi du mime, de la danse, de scènes que ne désavouerait Zavatta.
Intriguant, dérangeant, grinçant, séduisant, amusant, le spectacle nous fait naviguer d’un sentiment à l’autre.  Et si certaines scènes sont moins bien perçues, semblent inabouties ou déboulés vigoureusement de nulle part, l’ensemble n’en est pas moins séduisant et mérite d’être vu avec intérêt.
Gageons, au vu de cette mouture, qu’il ne faudra guère de modifications au metteur en scène, Thomas Venegoni, pour nous offrir un petit bijou de comédie audacieusement déjantée
Cette représentation dans le cadre du Festival Attaque Cardiaque n’était que la seconde de cette Toute Grande créée par la Compagnie Brolavoir.
Loin d’être un vulgaire brol, le spectacle est à voir, rien que pour le plaisir de découvrir des jeunes passer la barrière du langage et offrir un théâtre unifié dans une période qui prône plutôt le séparatisme et est bien peu favorable aux mariages culturels.

Spectacle vu le 17-06-2008
Lieu : Théâtre de la Toison d'Or

Une critique signée Muriel Hublet

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