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Le Voyage
Le VoyageRevoir Dachau et … vivre ?
Un vieil homme (pétillant Gérard Vivane), enfermé dans ses souvenirs, torturé par une mémoire ni assassinée, ni rendue amnésique par le temps, voyage aux côtés de son fils Julien (bouleversant Léonil McCormick)
Ce dernier frise la bonne cinquantaine et est plus préoccupé par son avenir incertain, plombé par des menaces de licenciement, que par l’humeur grognonne de son père, qu’il accompagne plus par obligation que par envie.
L’eurocrate pacifiste s’oppose au revanchard bougon, à l’amer oublié de l’histoire, au sénile radoteur qui n’arrive pas à se dépêtrer de sa culpabilité de survivant.
Derrière le travail de mémoire, que l’on n’a pas le droit d’occulter, ce périple vers Dachau s’avère bien plus qu’une anecdote ou un souvenir de plus.
Il se révèle être la rencontre entre un père et son fils.Le Voyage

Ces menues querelles, ces règlements de compte, ces ridicules mesquineries, ces mignonnes escarmouches émaillent la première partie du spectacle, pour en faire une sorte de ping-pong verbal.
Derrière les remarques anti-boches et les réparties lénifiantes va pourtant très vite transparaître l’éternel conflit de générations entre petit con et vieux gâteux.
Si rires et sourires sont de mise, des fêlures sont très vite perceptibles et certaines omissions intriguent.
Les secrets cachés sous le mince vernis du passé ne demandent qu’à réapparaître et à ravager les deux existences. ? 

Le Voyage est un tout : les dialogues profonds et piquants de l’auteur français Gérald Aubert, le travail de toute une équipe (dont metteur en scène Eric Lefèvre), la maîtrise de deux fantastiques acteurs qui puisent au fond de leurs tripes pour porter loin l’émotion et une alchimie théâtrale.
Le VoyageUne conjonction  idéale et sublime transforme la pièce en un rare état de grâce où la détresse et la douleur se perçoivent jusqu’au dernier rang, serrent les cœurs et font monter les larmes aux yeux.
Et si les braises de nos mémoires ont été ravivées par ces considérations sur le poids de la faute et l’évocation du drame de toutes les victimes de génocides (passées et actuelles), si l’ironique représentation du conflit des générations a titillé nos amours-propres de parents/enfants, si le rideau retombe sur un public KO de bout, c’est bien la preuve qu’un tel voyage ne peut se faire qu’en une excellente compagnie. 

Spectacle vu le 09-08-2008
Lieu : Festival Royal de Spa (Salon Gris)

Une critique signée Muriel Hublet

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