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Emballez c’est pesé
Le trottoir d’en face
Emballez c’est pesé   Le proverbe dit : Dans tout homme sommeille un cochon.
Jean-Marie Piemme, auteur belge bien connu, titille celui qui dort en nous.
Il remue vigoureusement le couteau dans nos sensibilités et nos idées préconçues.
Il dépeint, avec lucidité, notre esprit étroit, nos frilosités, notre caractère borné, revanchard, jaloux, égoïste, rancunier, intolérant.
Il explore les préjugés, il met à nu notre racisme latent et assène les répliques vitriolées avec toute la hargne d’un boxeur pugnace.

Le texte n’est pourtant pas dur à avaler.
Au contraire, il se déguste comme une viande fondante et savoureuse.Emballez c’est pesé
C’est d’ailleurs bien de sang et de tripes qu’il s’agit ici.
Avec un énorme cochon rose pour tout décor, dix personnages vont s’affronter dans une série de combats singuliers et épicés de beaucoup de fiel.
Deux charcutiers rivaux se battent pour le renom et la clientèle.
D’un côté de la rue, la bourgeoisie boudin tradition fait face à merguez brochettes.
Racisme basique et préjugés se retrouvent dans les moindres faits et gestes des deux hommes.
Tout leur entourage est obligé de prendre parti dans ce conflit sanguinolent, même la clocharde doit choisir de quelle main elle recevra sa part de restes.

La peur de l’autre, de l’étranger, du différent, de l’inconnu devient ici une farce amère qui puise ses racines dans le grotesque d’une certaine étroitesse d’esprit (Et, hélas, ces préjugés ne sont pas neufs, ni prêts de disparaître).

Yves Claessens signe une mise en scène discrète qui, volontairement, laisse transparaître toute la puissance du texte de Jean-Marie Piemme et permet aux dix comédiens de s’emparer physiquement de rôles à l’ampleur parfois complexe sous leur apparent simplissime.
En évitant l’écueil aussi dangereux que facile de la caricature Yves Claessens permet à chacun de donner son maximum dans ces vingt-trois scènes, sortes de duels à deux acteurs
Julie Quiriny, Mélanie Robin, Florence Roux, Babetida Sadjo, Laura Vossen, Carole Weyers et  Abdel El Asri nous offrent de très jolis moments de jeu.

Si aucun ne démérite, mais il serait dommage de faire l’impasse sur  l’ambiguë et surprenante composition de Jean François Rossion en ChériBibi, la version sobre et presque détachée du charcutier bon teint façon Fabrice Luchini signée par Benoît Pauwels ou sur le travail de Simon Wauters en apprenti magouilleur etEmballez c’est pesé   cavaleur.
Entre drame ridicule, envol de passions idéologiques et attristante bouffonnerie, Emballez c’est pesé a toute la saveur d’un Bosmans et Mohamed écrit d’une plume impertinente trempée dans l’encre acide d’une décapante ironie.

Spectacle vu le 09-01-2009
Lieu : Centre Culturel Bruegel

Une critique signée Muriel Hublet

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