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Après moi, le déluge
L’Afrique, cette Arlésienne qui dérange

Après moi, le déluge Un homme et une femme se retrouvent dans une chambre d’hôtel à Kinshasa. Deux blancs, deux solitaires qui vivent en Afrique depuis des années.
Lui travaille pour une compagnie spécialisée dans les minerais, elle est traductrice et vit sans quasi mettre le nez hors de l’enceinte de son complexe hôtelier.

Chacun traîne derrière lui un certain flou et un pas mal de souffrances.
Actrice et chanteuse ratée, divorcée et sans enfant, elle est écrasée sous la solitude et  vivote dans un cocon ouaté, dans un isolement sécuritaire.
Même s’il a crapahuté dans la jungle,  sa relation avec le continent africain semble très paternaliste et il se décrit lui-même comme faisant partie des exploiteurs des richesses du Congo et ses voisins.

Ce texte écrit par l'espagnole Lluïsa Cunillé fait intervenir un troisième personnage, un Africain qui va parler avec le cœur de son pays, de son calvaire, de sa vie, de ses rêves, de ses déceptions.
Mais jamais nous ne verrons ce père meurtri, cet homme qui étale pudiquement ses souffrances, sans cri, sans récrimination, comme si tout ce qui lui était arrivé était normal, quasi dans l’ordre des choses.
Elle est son interprète, elle transmet son message.
Lui discute avec cet interlocuteur invisible et tente de résister à la réalité crue qui s'insinue petit à petit dans le confort cossu de cette chambre-refuge.

Déroutante, intrigante, voire perturbante, cette élision volontaire doit s’admettre d’emblée pour percevoir toute la force et la portée du spectacle.
L’irruption de ce personnage fantôme, de cette Afrique trop souvent réduite aux visions idylliques transmises par les tour-opérateurs, nous renvoie à nos œillères, aprioris et autres préjugés racistes (ou non) qui nous rendent sourds et aveugles à la condition et à la détresse des autres.
Nos perceptions sont filtrées.
Nous faisons un tri sélectif et n’acceptons de voir les choses sous l'angle qui nous confortera au mieux dans nos préconçus ou nos idéaux du moment.

Après moi, le déluge veut nous conscientiser, discrètement et sans violence.
S'il est perçu donc, le message s’appréciera et s'assimilera, tant dans sa profondeur que dans sa diversité,  de façon différente.Après moi, le déluge

Mais qu’on le capte ou non, on sera séduit par l’écrin sobrement esthétique créé par le décor d’Anne Guilleray et les jeux de lumière de Marc Lhommel.
La mise en scène, soigneuse et volontairement discrète de Pietro Pizzuti laisse toute la place au texte de Lluïsa Cunillé et permet de faire ressortir toutes les facettes et les ambivalences de ces deux personnages joliment interprétés par Nathalie Cornet et Angelo Bison.

Spectacle vu le 07-01-2010
Lieu : Atelier Théâtre Jean Vilar

Une critique signée Muriel Hublet

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