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Le neveu de Rameau et autres dialogues
Jean-Claude Idée s’empare de l’œuvre de Denis Diderot.
ILe neveu de Rameau et autres dialoguesl en adapte, dans la même représentation, deux de ses écrits: Le neveu de Rameau et  Supplément au voyage de Bougainville.
Deux textes qui montrent la richesse de l’œuvre du philosophe, romancier et essayiste français dont les ouvrages ont sans cesse prôné la réflexion sans aucun parti pris, l’objectivité et l’ouverture d’esprit.
Chacun se présente sous forme de dialogue.
Dans Le neveu de Rameau, Diderot (Jean-Marie Pétiniot) est assis dans un de ses lieux favoris, le Café de la Régence (un décor de Serge Daems), il y est très vite rejoint par Jean-Claude Frison qui interprète le fieffé neveu qui ne vit que d'expédients et de courtisanerie.
Très discret, il pousse ce bon à rien de plus en plus loin dans ses réflexions. Son interlocuteur s’enflamme, gesticule, virevolte, éructe ou grimace.
La discussion se portera sur des sujets toujours bien actuels : le pouvoir de l’argent et celui de la flatterie.
Les vertus du travail et de la probité seront  balayées, en moins de deux, par un profiteur cynique, un provocateur, qui s’il se reconnaît impécunieux, préfère sa vision bassement matérialiste de la vie à l’évocation des mots métier, raison ou honnêteté.
Si on apprécie le jeu d’acteur de Jean-Claude Frison, ce neveu de Rameau suscite pas mal de réserves.
La rhétorique (pourtant soignée et pertinente) de Diderot est parfois trop complexe pour être écoutée et surtout perçue.
Ce débat entre culture et nature nécessite peut-être un peu plus de temps pour être intériorisé que le débit des deux comédiens.

Dans la seconde partie (après l’entracte), Jean-Claude Idée s’est inspiré de la querelle qui a opposé Diderot à d'Alembert (Benoît Verhaert) pour faire de ce dernier le second interlocuteur de Supplément au voyage de Bougainville.
Cette fois le philosophe, suite à la parution d'un récit de l'expédition qui narre la découverte de Tahiti, publie un pamphlet pour critiquer le comportement colonialiste de l’époque.
Les parois du café s’écartent, le mobilier grimpe dans les cintres, sable et palmiers apparaissent pour nous transporter sur l'île et nous faire entendre les réflexions et réactions des auchtochtones face à l’envahisseur.
Pieds nus, jambes de pantalon retroussées, veste serrée à la taille pour faire pagne, la cravate nouée autour de la tête, Jean-Marie Pétiniot s’enflamme et devient tour à tour le sage de la tribu ou Orou l’homme qui tente de comprendre à travers le discours d’un aumônier la religion, ses usages, ses règles et ses contradictions.Le neveu de Rameau et autres dialogues
Face à lui, gentiment goguenard, Benoît Verhaert lui donne la réplique et se glissera adroitement dans ce moinillon concupiscent ou adoptera la morgue glacée de Bougainville, le chef des brigands.
Ensemble, ils revisitent, exemples ou gestes à l’appui, les lois, le mariage, la fidélité, la pudeur, la monogamie et tout ce qui fait le sel de notre vie amoureuse.
Joyeusement décalées, la vision de Jean-Claude Idée et l’interprétation de ses deux acteurs séduisent largement.
On reste cependant plus perplexe face à l’apparition d’une caméra vidéo ou de la couleur bleu vif des lunettes de Diderot dans un spectacle qui pour le reste a été joué en tenue d’époque et dans une scénographie en rapport.
On se demandera encore l’utilité de faire grimper les meubles et de les laisser se balancer à vue avant de les redescendre sur les planches pour quelques minutes.
Cette pirouette scénique est un fameux bémol au plaisir pris à Supplément au voyage de Bougainville.

Au-delà de ces remarques sur le propos ou la mise en scène, on gardera surtout un souvenir appréciateur des prestations de Jean-Marie Pétiniot, Benoît Verhaert, Jean-Claude Frison et peut-être l’envie de lire ou relire les écrits piquants et pertinents d’une des lumières de son époque.

Spectacle vu le 14-01-2010
Lieu : Théâtre Royal du Parc

Une critique signée Muriel Hublet

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