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Le chagrin des ogres
Adieu mon enfance, j’essaie de grandir …
Enfance et adolescence sont les deux étapes à franchir par chacun pour pouvoir pénétrer dans le monde adulte.
Cruciales dans le développement de chacun, elles sont nécessaires, mais aussi un douloureux passage obligé se fait à quelques exceptions près toujours avec son lot de cris et de crises familiales.
Si généralement tout finit par se tasser, et si l’enfant réussit à s’introduire dans la vie d’adulte, à dire adieu ses rêves de gosse, parfois il n’y arrive pas.
Plus qu’un simple constat d’échec, cela risque dès lors de devenir un drame voire un sanglant fait divers.
Si nos journaux se font régulièrement, hélas, l’écho de fusillades dont des gamins sont les auteurs, les tentatives de suicide ne bénéficient pas de la même publicité alors qu'elles sont pourtant bien plus nombreuses.
Fabrice Murgia  nous propose une vision-choc de la détresse de ces adolescents en plein dérapage.
Toute l’intelligence de son propos est de ne pas prendre parti et surtout faire percevoir habilement, grâce à une mise en scène adroite et inventive, l’enfermement psychologique dans lequel le jeune se retrouve enferré.
Enfermé dans une spirale infernale, il se noie petit à petit dans la solitude et l’incompréhension.

Visuellement très fort, Le chagrin des ogres utilise adroitement la lumière et le son pour frapper les imaginations.
Si son impact varie selon le vécu de chaque spectateur, aucun ne se dit pourtant indifférent au texte de Fabrice Murgia.
Le jeune auteur crée un imaginaire réaliste, glauque et prenant à souhait.
Il place les deux ados (Emilie Herman et David Murgia) derrière des vitres de plexi et laisse l’avant-scène (uniquement occupée par une balançoire) à une drôle de gamine.
Le visage ensanglanté et revêtue d’une robe à mi-chemin entre la communiante et la mariée, la formidable Laura Sepul devient une étrange narratrice.
La voix sans cesse déformée elle sert de transition entre les deux récits parallèles entre ces deux adolescents qui tentent de quitter l’enfance.

Impossible de ne pas apprécier l'énorme travail technique d’une équipe très bien rodée, ni le jeu des trois comédiens.
Au-delà de cette unanimité, chacun se sentira interpellé différemment et ressentira le texte plus ou moins profondément, même si nul n’en niera la profonde portée.

À chacun sa perception, à chacun son enfance, à chacun sa jeunesse … à chacun sa vie.

Spectacle vu le 17-02-2010
Lieu : Théâtre National - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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