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Grow or go
Marche ou crève, pourrait résumer cet embrigadement forcé, cette assimilation forcenée, ce mimétisme obligé qui fait de certains des sortes de travailleurs-robots.
Grow or go, est au départ un documentaire de Marc Bauder qui dénonce la déshumanisation du monde de la consultance.
Françoise Bloch nous en propose une adaptation pour le théâtre.
Dans un décor sobre et volontairement très froid, fait d’une paroi sur laquelle est projetée des extraits de vidéos, de tables et de chaises de bureau sur roulettes, Manon Faure, Sébastien Foucaut, Loig Kervahut, Yael Steinmann, Damien Trapletti et Lise Wittamer vont nous faire partager une série d’instants choisis.
L’entretien de recrutement, le feedback, le brainstorming, le drink, la méthodologie d’une présentation deviennent des extrapolations paroxystiques d’un monde bien réel dont on refuse pourtant à admettre l’existence.
Comme des pantins, engoncés dans les tailleurs de rigueurs, ces consultants égrènent les slogans qui rythment, leurs vies, sortes de leitmotivs pour les booster, les pousser en avant.
Ce marche ou crève forcené, froidement étalé, par des robots figés fait l’effet d’un glaçon dans le dos.
Dérangeant, surprenant et agaçant, le spectacle joue adroitement sur les fêlures et les dissonances.
Tout d’un coup la machinerie se grippe, les phrases se répètent sans fin, les visages se pétrifient, un rire nerveux s’échappe, la réflexion et la prise de conscience prennent enfin la place de l’obéissance aveugle.

Grow or go est donc une pièce qui mérite que l’on dépasse l’apriori de froideur quelque peu rebutante qu’il dégage pour découvrir la finesse de l’approche critique imaginée par Françoise Bloch.
Sans férocité, sans grandes envolées, d’un regard, d’un mot ou d’un geste infime, elle fustige plus efficacement que de longues diatribes démonstratives.
Dans une mise en scène extrêmement précise et rigoureuse, avec une gestuelle volontairement saccadée, Grow or go veut marquer les esprits et dénoncer une déstructuration provoquée par le carriérisme et ses contraintes.
Il y réussit parfaitement grâce au travail minutieux et à l’investissement de toute une équipe.

A voir, à comprendre et à méditer.

Spectacle vu le 18-11-2009
Lieu : Théâtre National - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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