Logo
Harold et Maude
Harold et Maude    Toussaint Colombani et Françoise OrianeFilm culte bien connu qui oppose la mélancolie d’un jeune homme à l’optimisme souriant d’une octogénaire, Harold et Maude est un classique signé Colin Higgins (1969).
Passer de la pellicule aux planches n’est jamais évident, surtout quand il faut rendre la perception d’évènements, de voyages, de lieux différents.
Le théâtre est par nature plus statique, la question était donc comment Claude Enuset va-t-il y pallier ? 
La seconde interrogation portait sur le texte même.
Dans toutes les mémoires, s’il est une ode à la vie et à l’espoir, il n’est pas forcément riant et dans l’esprit de beaucoup de spectateurs, le Théâtre des Galeries est l’antre de la comédie.
Comment se sortir de ces paradoxes ?
Par quelques petites surprises maison comme le décor (signé James Block) par exemple.
Claude Enuset a choisi de faire du récit une sorte de songe éveillé.
Il opte donc pour une scénographie froide, presque rigide et désertifiée de tout meuble pour représenter l’univers d’Harold, une impression encorHarold et Maude  e exagérée par un plancher en pente (celle d’un monde qui dérape ?).
A contrario, l’univers de Maude se révèle par un lever de plancher, un peu comme si on soulevait le délicat couvercle d’un coffre au trésor magique.  Disparate, bourré d’objets hétéroclites, plein de coussins, de chiffons et de lumières, il est un havre accueillant, confortable et rassurant.
James Block a encore imaginé quelques petites surprises pour transporter Harold et Maude au bord de la mer, dans la forêt ou sous la nuit étoilée.

Au niveau de  la mise en scène, on perçoit la même division, presque une fracture entre le comportement des différents intervenants.
Si le couple insolite est tendrement réaliste, les autres protagonistes sont volontairement très caricaturés pour en faire ressortir le côté décalé et humoristique.
Ainsi, Catherine Claeys devient une mère infernale, coincée dans des préjugés sociaux absurdes, aveugle à la détresse de son fils.
Yves Claessens un prêtre conventionnel et guindé, Gérard Vivane un psychiatre impuissant, Bernard Lefrancq et Jean-Paul Clerbois deux sbires intransigeants et pointilleux, Angélique Leleux une bonne timorée et craintive, sans parler des trois pseudo fiancées outrageusement typées et voyantes (Sylvie Gazelle, Ana Rodriguez et  Gwen Berrou).

Originalité des décors, prestations des seconds rôles, lumières, musique, gags des suicides d’Harold, tout s’efface devant la lumineuse interprétation de Toussaint Colombani et Françoise Oriane.
Le tout jeune homme confirme la très bonne impression qu’il nous avait déjà laissée dans La ville dont le prince est un enfant.
Son ton est juste, il a les regards hésitants d’un enfant perdu, les sourires timides d’un homme en plein spleen.
A ses côtés, Françoise Oriane irradie dans cette dame fantasque, tendre, attachante, presque protectrice, elle est amour et douceur, une sorte de petite fée Clochette  qui apprend à Harold-Peter Pan à enfin prendre son envol vers une vie d’homme, libérée de toutes ses craintes, de toutesHarold et Maude    Toussaint Colombani et Françoise Oriane les phobies inculquées par son éducation rigide et sans amour.
Cette version made in Claude Enuset d’Harold et Maude séduit, surprend ou étonne.
Ses partis pris font d’Harold et Maude une pièce un peu hors gabarit à voir sans préjugés rien que pour la superbe leçon de vie et de d’optimisme qu’elle dégage.
C’est aussi l’occasion de voir un duo complice dans une interprétation d'une grande qualité, de  retrouver le sourire malicieux de Françoise Oriane ou de (re)découvrir le prometteur (et ici excellent) Toussaint Colombani.

Spectacle vu le 24-10-2007
Lieu : Théâtre Royal des Galeries

Une critique signée Muriel Hublet

Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF