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Les Amantes
La mante religieuse et la mouche amoureuse
Dans l’idyllique Tyrol, là où les montagnes servent de frontières à un petit pays bien protégé …
La voix doucereuse de Céline Greleau semble vouloir nous emmener vers un pays de conte de fées.
Mais chacune de ces histoires d’enfance contient son lot de loups et de sorcières.
Les amantesLes Amantes ne seront donc pas en reste.
Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature, a choisi un titre bien ambigu pour narrer la vie de deux villageoises.
Présentés sous forme de portraits, le bon et le mauvais exemple s’insèrent dans deux encadrements vides qui serviront tout au long de la représentation à nous préfigurer des instants choisis et à ponctuer l’évolution de l’histoire.

Les amantes sont deux : Brigitte la mante religieuse et Paula la mouche naïve engluée dans le miel sirupeux de l’amour.
Pourtant, elles viennent du même village où l’avenir des femmes passe par (en dessous de) l’Homme.
Sans homme à mettre dans son lit, sans mari à épouser, sans bague au doigt, on n’est rien, condamnée à la mort, au servage perpétuel et solitaire dans une usine de confection de soutiens-gorge.
Brigitte (Mathilde Lefèvre) va donc tendre ses filets pour attirer Heinz (Christophe Lambert), l’épouser et quitter pour la condition d’épouse et mère le statut peu envié d’ouvrière.
Paula (Hélène Moor) va vouloir étudier et prise par le vertige du savoir, se laisser abuser par les sentiments, croire en l’Amour de Heinrich (Eno Krojanker) et se retrouver engrossée, détestée, abonnée, battue par un mari violent, alcoolique avant de tomber dans la prostitution et de se retrouver solitaire à confectionner ses soutiens-gorge jusqu’à la mort.
Loin d’être tragique, le récit amuse par son côté forcé et déjanté.
L’énergique et vibrant travail des comédiens n’y est pas pour un peu.
Ils ne renoncent devant aucun exercice, aucun effort.  Visages rougis par la colère, dégoulinant de sueur face à tant de conviction rageuse et éructée à grands cris, ils se donnent à fond dans une générosité de jeu communicatrice qui,  à elle seule, mérite déjà bien des applaudissements.
Virginie Strub a opté pour une mise en scène énergique, vibrante qui ne laisse aucun répit.  Saccadée et rythmée, elle entraîne le spectateur à 100 à l’heure dans un récit sans pause ni pour les yeux ni pour les zygomatiques.
Elle a relevé le côté humoristique du texte de Jelinek et l’a littéralement boosté au maximum en demandant à ses comédiens de forcer le trait.
Elle leur a fait transformer leurs visages en sortes de masques presque grotesques qui deviennent un vrai miroir aux émotions.
Elle nous propose une vision presque caricaturale, jouée par des personnages aux gestes saccadés qui oscillent entre hommes désarticulés et pantins sans aucun libre arbitre.
Le propos presque vitriolé est audacieusement réfrigérant.
Ajoutons à cela la scénographie originale d’Olivia Mortier, toute simple en apparence, mais particulièrement bien imaginée et étudiée.
Elle a ainsi opté pour deux cadres en bois brut, qui s’ouvrent pour devenir des portes, des tabliers transparents faits de pochettes, danLes amantess lesquelles les comédiens glissent des morceaux de cartons colorés pour figurer les changements de costumes ou bourrent des boulettes de papier pour faire embonpoint ou grossesse.
Ajoutons une table quelques tabourets et deux wc et vous aurez une plus idée précise de ce qu’une scène vide peut devenir.
Parsemez cela d’un zeste de musique très opéra wagnérienne et vous y ajoutez une once de kitsch et de rythme supplémentaire.

Le Théâtre Océan Nord termine donc sa saison 2007-2008 par la reprise d’un spectacle bien moderne, ancré dans une actualité hélas toujours pertinente.
Le propos intelligent, ne fait jamais prise de tête, tout en vous interpellant sur la condition féminine et sur une vision déformée ironiquement déformée de la guerre des sexes en y mêlant la violence jamais très éloignée de cette lutte quasi millénaire.

Spectacle vu le 06-05-2008
Lieu : Théâtre Océan Nord

Une critique signée Muriel Hublet

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