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Dialogues d'exilés
La parole immobile
Dialogues d'exilésUn rideau rouge, deux micros, une boule à facettes miroitantes, une série de lampes-lampions au plafond, voilà le décor proposé par le théâtre Vidy Lausanne.
Nous voilà bien loin du buffet de la gare d’Helsinki, décor choisi par Bertolt Brecht pour son dialogue entre deux exilés, un ouvrier et un physicien.
Pas d’ambiance enfumée, pas de tables, pas de chaises, pas de verres, juste deux hommes en smoking qui discourent, tour à tour, quasi sans se regarder, qui alignent opinions et comparaisons presque comme des enfants enfilent des perles, silencieusement concentrés.
Cette mise en scène ou plutôt l’absence de celle-ci dérange un peu et oblige le spectateur à rester concentré de bout en bout pendant une heure et vingt minutes sur le texte brechtien.
Les seuls petits moments pour titiller vaguement un intérêt autre que celui à porter aux tirades sont les intermèdes musicaux, un peu comme une jolie enluminure à l’arrivée d’un nouveau chapitre, un passage qui présente un enregistrement sur bande de discours en lieu et place de la parole directe de l’acteur et l’accent suisse prononcé avec des petites notes qui font penser au regretté Bourvil de Jean-Quentin Châtelain.Dialogues d'exilés
Quasi rien ne présente donc les deux hommes, leurs origines, leurs métiers, leur condition commune d’exilés, c’est au public de deviner, de percevoir ou de combler ces trous qui en gêneront plus d’un.
Texte et mots sont donc les uniques forces de cette version de Dialogues d'exilés.
Si la pertinence du propos près de cinquante ans après reste d’actualité, il reste très difficile d’en apprécier toutes les nuances et finesses face à un ton trop souvent monocorde.
Reste donc uniquement la justesse et la sagacité de Bertolt Brecht qui valent à elles seules un petit passage dans les caves du Théâtre le Public pour retrouver tout le sel des vertus suisses, du patriotisme français, de l’humour danois, de l’efficacité é allemande, de l’utilité d’un passeport, des atrocités nazies, de l’idéologie fasciste, du sort comparés des travailleurs et des machines, de certaines conceptions soigneusement étayées sur l’enseignement, la lutte des classes ou le bilinguisme.
Et ce n’est là peut-être qu’au final, on remercie ces deux comédiens de leur statisme car ils nous ont laissés percevoir et mesurer, sans aucune perturbation ou distraction, toute la saveur d’une réflexion acérée, toujours d’actualité, piquée d’un humour noir et d’une ironie réaliste sur le monde et ses dérives universellement répétitives.

Spectacle vu le 11-04-2008
Lieu : Théâtre Le Public - Petite Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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