Logo
Je l'aimais
L’évanescence de l’amour
Chloé (Marie-Aude Guignard) est effondrée, son mari l’a quittée.
Seule avec sa fille, elle se réfugie chez ses beaux-parents.
Pierre (Jean-Jacques Chep), son beau-père l’emmène dans leur maison de campagne.
Huis clos ou presque, juste interrompu par les allées et venue d’une petite fille qui tente d’y comprendre quelque chose à ces chagrins et problèmes de grandes personnes.
Chloé et Pierre vont s’affronter, mais aussi s’apprivoiser.
Le vieux con, bourru, renfermé, quasi incapable d’un geste tendre va se révéler un être bien plus complexe que ce que sa bru a toujours cru.
Il va lui livrer, par bribes, sa propre histoire d’amour et faire percevoir à une jeune femme révoltée par l’abandon de son mari, ce que peut souffrir un homme qui reste à côté de sa famille, par devoir, par respect des convenances et des engagements pris, quand son cœur bat pour une autre femme.Je l’aimais

Ce virage presque total dans le récit en surprendra plus d’un (tout au moins ceux qui n’ont pas lu le livre d’Anna Gavalda).
Pudique, cette incursion au pays des amours évanouies, des remords, de la morale, du respect, du sens (trop souvent considéré comme désuet) de la parole donnée parle d’instants volés, de passion étouffée, de sentiments réprimés, de frustrations, de lâchetés, de peurs, de sacrifice.
Bien nommé, le vin Chasse Spleen va couler à flot durant ces mélancoliques confidences,  ces évocations d’amours trop fortes, trop pures, trop extrêmes qui se sont estompées, fanées au fil du temps et de la vie.
Un récit fragile, subtil, doux, un univers clos, presque une musique, triste et nostalgique, qui se distille doucettement à nos oreilles voilà Je l’aimais.
Présenté dans la salle des voûtes, le spectacle se joue sur trois côtés en même temps.
Ouvert ainsi, presque béant le décor laisse fuir toute l’intimité nécessaire au propos d’Anne Gavalda.
La beauté des mots et leur sens profond sont toujours là, vibrent dans l’air comme des parfums délicats, mais ils ne suffisent pas à embaumer les cœurs et les esprits, dilués qu’ils sont dans cette salle bien peu propice à diffuser une chaleur si intérieure et profonde.
Pire même, le public placé sur les côtés perd une partie du jeu, plus souvent confronté aux dos des acteurs qu’à leurs visages. (Le son naturellement leur parvient également de manière plus aléatoire.)
Un seul conseil donc pour éviter d’être placé sur les côtés, s’armer de patience et camper très tôt devant la porte d’accès à la salle, car l’attribution de places, non nominatives, favorise le principe du premier arrivé, mieux placé.

Je l’aimais, déjà monté il y a peu en Suisse, est présenté chez nous avec d’autres acteurs et une mise en scène plus adaptée à la typicité du lieu.
Si Jean-Jacques Chep séduit et arrive à convaincre dans son rôle de beau-père et d’homme blessé, Marie-Aude Guignard est trop jeune, trop fragile, pour paraître plausible dans ce rôle de mère de famille délaissée qui pourtant avait tout sacrifié, avec amour et compréhension, pour aider son mari vulnérabilisé par une enfance un peu trop à la dure.

Un spectacle à voir, en toute connaissance de cause, pour le plaisir de la découverte ou de retrouvailles avec l’univers feutré d’Anne Gavalda.
L’occasion d’entendre l’histoire prenante, guère nouvelle pourtant, d’un homme pris par le démon de midi.

Pourquoi partir? 
Pourquoi ne pas rester ?
Quand l’amour s’est-il envolé pour laisser place à une tendresse confortable ?
Et les enfants dans tout cela?
Est-ce une passade ?Va-t-il revenir ?
Comment réagir ?
Un questionnement bien réel, qui nous a tous, jeune ou moins jeune, interpellé, au moins une fois,  pendant notre vie amoureuse.
Là réside tout le délice de Je l’aimais.
Son côté touchant, presque émouvant ne peut que séduire les cœurs sensibles (dans de bonnes conditions de spectacle).

Spectacle vu le 18-03-2008
Lieu : Théâtre Le Public - Voûtes

Une critique signée Muriel Hublet

Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF