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L’héroïsme aux temps de la grippe aviaire
Les malheurs de Winnie l’Ourson
L’héroïsme aux temps de la grippe aviaire - Itsik ElbazMal-être ou ne pas être, tel est son dilemme
Il émerge d’un cercueil en tenue de Spiderman.
Un héros ?
Pas vraiment.
Pataud, gauche, empoté, au phrasé hésitant, il est un sans-nom, un sans-grade, un rebut de la société.
Un anonyme comme bien d’autres, enfoncé dans une misère morale et financière.
Un paumé qui ne trouve pas d’emploi (ça sert à quoi de savoir grimper aux murs ?), en but aux tracasseries de l’ONEM qu’il personnifie par l’inhumaine Madame Deneumostier, une fonctionnaire tatillonne qui l’étourdit par des rappels sur ses incapacités notoires et le noie sous une mer abrutissante de formulaires à remplir.
Un grand gosse, abandonné par son père, en charge d’une mère en état de choc post-traumatique, réduite à l’état végétal, pour qui le quotidien se rétrécit à une maison qui sent la mort et le chou bouilli.
Sa  vie a un goût de vieux de savon et ressemble à une cour de récréation dont les surveillants seraient en grève.
Ses seules passions les films de Bruce Lee, la jolie Coralie Rodriguez Pereira, les musiques de John Williams (ET, Jaws, Les aventuriers de l'arche perdue, Superman, La guerre des Etoiles) et briquer sa Fiat Punto pour compenser ses manques affectifs.

Thomas Gunzig, auteur de ce texte à l’humour noir de noir, taille un costume sur mesure pour Itsik Elbaz (prix de la critique comme meilleur comédien 2007-2008).
Déjà joué, en version écourtée, lors des Contes héroïco-urbains, au Théâtre de Poche,  L’héroïsme aux temps de la grippe aviaire s’est vu rallongé de quelque vingt minutes.
Le fil du récit ne change guère, mais le personnage s’affine et les occasionL’héroïsme aux temps de la grippe aviaire - Itsik Elbazs de rire (jaune) sont plus nombreuses encore.

Particularité de la mise en scène (Alexandre Drouet), la pièce est présentée comme un DVD, avec son générique, sa touche Spectacle et celle Bonus.
Comme dans tout bon produit qui se respecte, nous aurons ainsi droit (sur grand écran) à quelques interviews pimentées (pas toujours bien filmés) et aux fameux clashs, ces ratages et autres plantages qu’Itsik Elbaz interprétera en direct.

Hormis l’originalité plaisante du préambule et de la conclusion, L’héroïsme aux temps de la grippe aviaire reste irréprochablement pareil à lui-même, une évocation tragi-comique d’un destin too much à force de glauque réalisme et de troublante véracité.
À découvrir ou à revoir ce grinçant désenchantement est une sorte de road movie pour super héros mité et miteux.
Une chronique douloureusement résignée qui, tout à la fois, fait rire de ces accumulations drolatiques et donne une féroce envie de câliner ce Spiderman singulier et si pitoyable, un peu à l’image d’un Winnie l’Ourson qui aurait perdu son sourire et son pot de miel.

Spectacle vu le 10-10-2008
Lieu : Atelier 210

Une critique signée Muriel Hublet

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