Logo
Célimène et le Cardinal

Une suite au Misanthrope ?
Signée Molière ?
Ne vous torturez pas les méninges, cette pièce bien plus récente (1992) émane de la plume imaginative de Jacques Rampal.
L’auteur français signe un texte à la mode de jadis, en alexandrins, mais d’une fraîcheur très actuelle.
Célimène et Alceste se retrouvent vingt ans après.
Que sont-ils devenus ?
La jeune noble a épousé un bourgeois, par inclination et par raison, elle a quatre enfants et semble heureuse.
Le pauvre révolté de naguère est entré dans les ordres. Il a grimpé les échelons et est désormais cardinal.
Ils se sont aimés. Que reste-t-il de leur amour ?
Un dimanche, le cardinal s’invite chez la bourgeoise, pourquoi ?
C’est de ces retrouvailles que Jacques Rampal nous fait témoins.Célimène et le Cardinal
Nul besoin de se souvenir ou même d’avoir vu le Misanthrope pour apprécier l’humour et le sel de cette rencontre qui va très vite se transformer en joute amoureuse.
Célimène attend, seule dans son salon et ses premiers mots sont :
Mon Dieu, puisqu’il revient, je m’en remets à vous...
Il arrive chez moi sans mon consentement...
Et je me sens soudain perdue comme une enfant !...

Sous les cendres couve encore une petite flamme qui ne demande qu’à grandir.
Mais aucun des deux amants n’a envie, ni l’audace de le dire, ni même d’oser se l’avouer.
Bardés dans leurs principes, ils vont s’affronter à fleurets mouchetés.
De sous-entendus en insinuations, leurs conceptions de vie très différentes vont s’opposer.
Célimène a une vision réaliste du monde et ne s’en laisse guère compter par la soi-disant influence des ecclésiastiques.  Elle dénonce fermement les inégalités sociales dont ils sont complices.
Elle ose s’avouer heureuse en ménage et pratiquer librement sa foi en Dieu et ne même pas posséder une bible.
Alceste, auréolé de la toute-puissance de l’Église, s’est engoncé dans un catholicisme rigide, dogmatique et protecteur.  Il ne lui est plus possible de remettre en question les principes dans lesquels il s’est réfugié et qui lui servent d’arme et de bouclier.
Jacques Rampal fait de Célimène, derrière l’épouse bourgeoise, une future suffragette qui remet en question son rôle de femme dans la société.
Il parle de la condition féminine, d’intolérance religieuse, de fanatisme, d’amour, de sexe et de sentiments avec une malice coquine.
Il croque avec satire deux portraits délicieux et fait d’un texte en alexandrins un petit bijou de modernité que Molière lui-même n’aurait pas renié.

Célimène et le Cardinal est donc résolument moderne et même écrite en alexandrins la pièce ne souffre d’aucune lourdeur.
Les deux amoureux d’hier vont rivaliser d’arguments audacieux et d’une rhétorique retorse pour défendre leurs opinions.
Pour les deux acteurs, le texte est particulièrement difficile.
Les rimes ne permettent pas le moindre écart.
Jacqueline Meunier et Jean-Claude Piérot ont certainement dû fournir un travail considérable pour arriver à nous faire vivre et croire à cet entretien doucereux, piqué d’humour, très juste dans le ton et le propos.
Quand l'esprit sûr de lui d’Alceste se mesure à celui en pleine tourmente et rébellion de Célimène, cela ne peut que faire des étincelles.
Et c’est le public qui se régale en assistant à un duel amoureux qui fait rimer drôlerie et sensualité.

Spectacle vu le 28-09-2007
Lieu : Théâtre Royal de l'Etuve

Une critique signée Muriel Hublet

Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF