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Mein Kampf (Farce)
Mein Kampf (Farce)Vienne 1910, un abri de nuit miteux dans une cave noirâtre y est le témoin d’une rencontre avec l’Histoire.
Dans une superbe et réaliste scénographie de Léo de Nijs, les extrêmes vont se rencontrer.
Un vieux juif placide va vivre quelques temps avec Hitler.
Il est encore tout jeune, presque immature, ce futur bourreau européen.
Dépeint comme une sorte de morveux colérique, voire hystérique, il doit composer avec un homme bon, qui manie la langue et les métaphores comme personne.
Adepte du Tu aimeras ton prochain comme toi-même, Herzl/Shlomo tente d’éduquer le rustre mal dégrossi et hystérique.

Divisée en cinq actes, la pièce écrite en 1987 par George Tabori (juif hongrois dont la famille a été victime de l’Holocauste) est une farce dramatique incisive et insidieuse qui repousse les limites du rire et pose l’éternelle question : Peut-on rire de tout ?

Les deux premiers tableaux proposent une version cyniquement cocasse d’Hitler au pays de l’humour juif.
Didier de Neck (Herzl) et Philippe Grand’Henry (Hitler), avec la présence plus discrète d’Alexandre Trocki (Lobkowitz/Dieu) nous offrent de superbes interprétations et quelques scènes joyeusement déjantées comme celle du rasage de la moustache du gamin mal dégrossi.
On s’y délectera du travail de mise en scène de David Strosberg et de la recherche pointue à la quelle il s’est livré pour obtenir un tel rendu des coutumes juives.

Fait de longs monologues, le troisième acte fait voler en éclat ce rythme soutenu et cette subtilité un peu farfelue.
Shlomo s’y retrouve confronté à ses interdits, à ses secrets et à ses pulsions sexuelles  (représentées sous la forme d’une jeune adolescente nue Aline Mahaux).
Écoutés attentivement (ou lus) ses propos sont pourtant de toute beauté, empreints de poésie et d’une belle portée philosophique, mais ils semblent ne pas accrocher.
L’irruption d’un Hitler rageur et hypocondriaque en diable redynamise un peu l’action et laisse espérer un retour à l’ironie plus cinglante et vivifiante.
Las, l’apparition d’une Madame Lamort (Gaëtan Lejeune) lascive (et masculine ?) ne relancera pas la dynamique.
Le choix de David Strosberg d’éliminer un des personnages de la pièce (Himmlischst) et ainsi d’évacuer les scènes violentes, voire brutales, et de passer sous silence le revirement de Gretchen (Aline Mahaux réapparue en Hitler Girl) ne manquera pas d’interloquer.
On reste dès lors franchement sur sa faim.
Alléchés par les deux premiers actes, on ne pouvait qu’espérer une suite à la même hauteur. Cette version donne l’impression d’un travail d’enfant.
Mein Kampf (Farce)Un grand soin est apporté aux premières phrases, mais l’attention se relâche et les dernières sont plutôt brouillonnes.

Dommage donc, mais pour la beauté de la première partie et pour vous créer une ambiance visuelle réussie, avant de plonger dans le texte de George Tabori (aux Éditions Actes Sud) je convie à faire un détour par la petite Salle du Varia pour y découvrir une farce sarcastique.
Imaginaire même si basée sur pas mal de faits réels, elle slalome avec maestria entre  caricature, parodie, humour corrosif et grotesque stimulant.

Spectacle vu le 13-10-2009
Lieu : Théâtre Varia - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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