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Les sardines grillées
De la fine cuisine ces sardines
Paris, une station de métro, un banc public et une clocharde (Jacqueline Préseau) qui y dort, ses maigres biens regroupés autour d’elle.
Une image réaliste, presque conventionnelle qui ne mériterait pas que nos regards blasés s’y attardent si on ne se trouvait au théâtre.
Dans un patchwork superposé de vêtements de bonne facture, la femme campe depuis des années sur ce banc.
Elle s’est même approprié le nom de la rue : Victoire de Pécouilh.
Connue comme le Pont Neuf, elle sait tout ce qui se passe derrière chacune des façades bien lisses des maisons très bourgeoises qui peuplent sa rue ?
Elle est aussi connue par sa tendance à faire griller des sardines (pour le plus grand plaisir des nez sensibles du voisinage) et à les arroser d’une généreuse gorgée de vin rouge (du Mouton Rothschild de préférence). Gouailleuse, frondeuse, elle règne sur son petit monde à coups de ragots, de curiosités et de pseudo confidences.
Lorsque survient Solange (Aïcha Aït-Taïb), une jeune fille nunuche, qui ne connaît rien de la vie, naïve en diable, elle semble généreusement la prendre sous son aile protectrice et l’avertir de la maison dans laquelle elle veut entrer comme domestique.
Bonté d’âme, générosité ?
Les apparences risquent d’être trompeuses et la jeune cruche simplette d’apprendre plus vite qu’on le pense à manipuler avec brio son entourage.
Cette courte pièce de Jean-Claude Danaud se joue des extrêmes.
Deux femmes que tout oppose, la clocharde presque hargneuse et la bécasse de province vont se rencontrer, s’apprivoiser, s’unir, se diviser et finalement évoluer à l’inverse, la première révélant sa face sensible la deuxième s’endurcissant jusqu’au machiavélisme.
Etude de caractères pointus aux remarques incisives, Les sardines grillées sont surtout une observation par la dérision d’une femme qui sent son emprise grandir, qui se fait les griffes sur son entourage, qui découvre, et savoure l’ivresse du pouvoir.
La mise en scène de Jean-Luc Duray se veut impertinente, pimentant la pièce de petits clins d’oeil, émaillant le texte de petits apartés avec le public ou de musique le temps de laisser à Solange de changer de costume (au fur et à mesure de son évolution psychologique).
Selon qu’on soit gastronome ou pas, on déplorera peut-être de ne pas avoir senti réalistement les sardines ou les gambas grillées, mais personne ne se plaindra de la finesse de cette courte pièce (+/- 1h10) aux dialogues rapides, précis et plaisamment relevés.
Une pièce à écouter de ses deux oreilles tant le dialogue est finement délectable, subtil et parsemé de petits détails sur l’action.

Spectacle vu le 06-04-2008
Lieu : Théâtre de la Flûte Enchantée

Une critique signée Muriel Hublet

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