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L'homme du câble
L'homme du câbleThibaut Nève nous a concocté une trilogie, largement autobiographique, il y décortique les relations familiales.
Le premier volet, L’Homme du Câble, aborde le complexe mal-être de l’adolescent tenaillé par le besoin de grandir, de trouver son identité, de voler de ses propres ailes et qui doit faire face à un certain regard parental qui a encore tendance à l’infantiliser.
Par opposition, il place son héros au sein d’une famille monoparentale, face à une mère castratrice, étouffante et manipulatrice.
Elle maintient son fils dans un état de dépendance financier et psychologique ; l’asservit, voir l’abrutit dans une belle série de corvées ménagères.

Un problème de télévision à connecter propulse, dans cet univers réglé comme du papier à musique, L’Homme du Câble (Thibaut Nève).
Jeune, frondeur, libre et à peine mythomane, il s’assume pleinement et va être pour cette famille en apparence paisible et sereine un véritable typhon dévastateur.
Il ouvre de nouveaux horizons à Thibaut (Stéphane Pirard), semer en lui les graines de la révolte et finalement faire exploser les fragiles relations mère fils.

Thibaut Nève nous propose un drame intime à l’écriture incisive et nerveuse.
Si on rit (parfois jaune) des réparties, difficile de se cacher pourtant que l’on a été (ou sera) cette mère excessive ou ce fils timoré.
Les phrases fusent et rebondissent les cœurs et les esprits ramenant à la mémoire bribes de souvenirs douloureux.
La petite salle de l’Arrière-Scène amplifie superbement l’emprise du texte.
Le travail des comédiens est excellent.
Laurence Warin (la marâtre meurtrie) joue avec brio sur tous les registres.  Elle passe sans effort de la retorse à la blessée, de la revancharde à la colérique. 
Forte et fragile, elle laisse paraître fêlures d’une mère blessée dans sa dignité maternelle tout comme celle de la femme qui se sent vieillissante.L'homme du câble
Stéphane Pirard signe une belle composition physique, épaules basses, dos voûtés, pieds traînants, il incarne l’image même de l’ado.
Son jeu est pareil à son mimétisme, il est littéralement cet adolescent en pleine crise identitaire.
Céline Peret est la jeune Laurie, silencieuse de bout en bout.
Étrangement dans ce spectacle clairement affirmé comme autobiographique, Thibaut Nève se glisse dans la peau de Boris l’homme par qui le quotidien va se briser en mille morceaux.
Cette dualité, ce dédoublement amplifie l’impression de percevoir à travers de multiples miroirs.
L’un est le reflet de l’autre, les mots se font échos, les sentiments ricochent, un ensemble qui se répercute au cœur et à l’âme.

Sans régie, les acteurs manipulent eux-mêmes les éclairages intégrés dans la scénographie minimaliste (mais soigneusement étudiée) de Vincent Bresmal.
La mise en scène de Jessica Gazon généralement directe ne s’embarrasse guère de gestes superflus. 
Peut-être un peu trop même, car certains attitudes s’apparentent par instants à des mouvements semi robotisés ou très carrés.
Mais outre cette petite parenthèse, pour sa première fois, Jessica Gazon ne s’en sort pas mal du tout.

Une farce satirique tout en force et en sobriété qui crée une série de remous existentiels dans une famille.
Entre adolescence et adulescence, l’envie de briser ses chaînes provoque des relations complexes d’amour-haine.
Un spectacle toute en finesse et en dualité.

Spectacle vu le 19-09-2009
Lieu : Arrière-Scène

Une critique signée Muriel Hublet

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