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Les Contes Héroïco-Urbains
Allons z’héros de la patrie ...
Personnage de légende ou légende vivante, mythe, idole des comics américains, figure de pellicule, héros du quotidien ou zéro extraordinaire, ils se sont donné rendez-vous au Théâtre de Poche.
Ils s’y déclinent en quatre exemplaires, quatre textes, quatre auteurs, quatre metteurs en scène et quatre comédiens pour des résultats qui oscillent entre rires vibrants et mélancolie réaliste.

Premier à se dévoiler, Diogène Atome Ntarindwa, tout droit sorti d’une caisse, comme un diable de sa boîte, tout enveloppé de fumées (décor d’Olivier Wiame et éclairages de Xavier Lauwers), défend, comme il peut, un texte écrit et mis en scène par Olivier Coyette.
Il est une sorte de prédicateur africain qui hante Matongé à la recherche son Igifi (double amoureux).
On reste là très interloqués sur cette prestation décousue, assez enjouée pourtant, rythmée par des musiques gospel, mais toute la jovialité et les tentatives de Diogène Atome Ntarindwa restent, hélas, assez vaines face à un texte bien  peu compréhensible.
Contes Héroïco-Urbains
Heureusement qu’Isabelle Wéry (dans une mise en scène Daniela Bisconti) surgit d’une garde-robe, éparpillant allègrement les tenues les plus diverses sur la scène. 
Elle est Eva, jeune mère divorcée, qui rabâche ses déceptions.
Mais ce soir … elle sort, elle va essayer de draguer, de briser son quotidien.
Elle doit participer à une soirée déguisée avec pour thèmes Héros et Héroïnes.
Son dilemme est donc de trouver un costume.
Joëlle Milquet, Ségolène Royal, Mathilde ou Jeanne d’Arc qui sera t-elle pour une nuit ?
Karin Clercq a écrit un texte sur mesure, qui titille la fibre féminine, héroïne d’un quotidien banal, coincée entre travail et enfants, entre mari et popote.
Aveu de faiblesse, désespoir, déprime d’un soir, coup de gueule d’une victime trop bonasse et manipulée en permanence, tout y passe dans ces réflexions à l'emporte-pièce, mais d’une grande pertinence.
Elle décrit un monde injuste qui ne montre jamais Tintin ou Batman laver leurs slips, qui ne contraint jamais Lucky Luke à 1 coup de flingue par ici, deux coups de torchon par là, car sinon il deviendrait bien vite l’homme qui se tire plus vite que son ombre.
Une saynète qui pique juste là où il faut, là où ça titille les amours-propres et les sensibilités frustrées, juste entre le rire amusé et l’amère ironie.

Mais comme il faut bien ranger tout ce désordre, quelques héros, surgis des coulisses,devront, le temps d’un entracte, tout ranger.  Pour permettre aux héros-spectateurs après un petit verre ou une cigarette, de découvrir un Spiderman des banlieues.

IContes Héroïco-Urbains tsik Elbaz, avec la tenue de rigueur, émerge d’une sorte de cercueil, pour entonner la complainte du chômeur.
Gauche, maladroit, presque bégayeur, voilà le costume que Thomas Gunzig lui a taillé.  Un paumé qui ne trouve pas d’emploi (ça sert à quoi de savoir grimper aux murs ?), un fils abandonné par son père, en charge d’une mère réduite à l’état végétal, qui rumine le chagrin de la mort de son frère mort d’overdose.
Horizon noir de noir pour ce grand gamin trop vite grandi, avec pour seules références les films de kung-fu et les séries télévisées, avec pour langage un phrasé entremêlé de slogans publicitaires.
Désespérance totale d’un destin qui paraît tellement too much, mais très réaliste, grinçant et véridique.  Le texte fait sourire dans ses accumulations et émeut dans ses thèmes, le tout grâce au jeu prenant d’Itsik Elbaz (dans une mise en scène d’Alexandre Drouet).

Last but not least, Philippe Jeusette apparaît dans une armoire entrouverte, les bras en croix, la tête sertie d’une couronne.
Victime, martyr, qui est-il ?
Kenan Görgün, l’auteur, a créé Transmettor, le dernier envoyé d’un dieu bienveillant qui veut faire régner la bonté sur le monde.
Avec une voix très Raymond Devos, il harangue, vilipende la société et ses travers.
A coups de petites phrases assassines, il terrasse nos petits intégrismes et nos grands péchés, mais l’homme n’est qu’un homme et l’argent reste l’argent.
Et d’aimez-vous, à aimez-moi, il n’y a parfois que bien peu de différences.
On notera ici une plaisante mise en scène (Michel Bernard) inventive et visuelle qContes Héroïco-Urbains ui joue sur nos clichés (cercle de sainteté, gestes catholiques, …).
Arrivé après les prestations d’Isabelle Wéry et d’Itsik Elbaz, Philippe Jeusette a bien du mal à s’imposer et c’est un peu dommage,car sa prestation est pourtant plus que correcte.

Allons z’héros de la patrie (air connu), pas besoin de collants, de cape moirée ou de botes de cuir, c’est sans façons, mais avec beaucoup d’humour et de tendresse que le Théâtre de Poche parle de vous, de nous, ou … de nos voisins.

Spectacle vu le 04-12-2007
Lieu : Théâtre de Poche

Une critique signée Muriel Hublet

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