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Les Monologues voilés
Etre femme.
Etre musulmane.
Etre en Europe.

Les Monologues voilés Comme les trois pointes d’une figure géométrique, déformable au gré des perceptions des unes ou des autres, ces trois faits s’opposent, se repoussent e s’attirent.
Au centre de ce triangle, le remous culturel intense qui souvent fait bouillonner intérieurement ces femmes.
Adelheid Roosen, auteure hollandaise, propose de lever un coin de ce voile pudique tendu devant un visage, de ce foulard chatoyant qui ceint les hanches lors d’une danse languissante pour nous glisser dans le jardin secret d’une féminité méconnue, souvent cachée derrière la relative opacité du tissu, mais surtout l’épaisseur de lourd velours des préjugés.
Qu’elles soient marocaines, éthiopiennes, pakistanaises, kurdes ou turques, toutes ont une histoire, un passé, des traditions, des souvenirs.
Avec beaucoup de pudeur et tendresse et de respect, sans jamais chercher à choquer ou provoquer, d’une manière claire, imagée, parfois même à la manière d’un conte des mille et une nuits, elles vont livrer un bout de leur intimité, parler de sensualité, de tradition, de religion, de viol, de sexe, de maternité, d’excision, de jouissance ou de désirs.

Pour tenter de comprendre,  il faut vouloir écouter et percevoir.
Le théâtre de Poche et la mise en scène du spectacle (Co signé Isabelle Wéry) mettent les petits plats dans les grands pour nous convier à un voyage inédit.
Dès l’accueil, le thé à la menthe et les pâtisseries attirent regards et mains.
Après avoir titiller les papilles, pour ouvrir cœurs, esprits et oreilles, c’est en musique, danse et chants queLes Monologues voilés nous sommes accueillis.
Assisses dans un salon, les quatre comédiennes entonnent refrains et se lancent dans une série de danses endiablées.
Prélude original qui fait monter la température d’un cran et qui unit, complices les actrices et leur public.

Hassiba Halabi, Jamila Drissi, Morgiane El Boubsi et Miriam Youssef sont comme des porte-parole de toutes les femmes voilées physiquement ou moralement.
Mieux, par delà les mots, elles se font une voix, un cri.
Naturelles, confondantes d’émotion, piquantes ou charmantes, elles sont vraies, elles parlent avec le cœur et avec les tripes.
Plus qu’un texte joué par des actrices, on perçoit derrière les mots l’intensité des sentiments évoqués.
Une puissance assez incroyable, très certainement due à la vérité et à l’authenticité des propos recueillis par Adelheid Roosen.
Le talent des quatre comédiennes n’y est certes pas pour rien lui non plus.

Dans ce salon noir, sur cette moquette blanche, la théière à portée de main, nous ne sommes pas au théâtre, nous sommes chez l’une d’elles, dans la chaleur intime d’une féminité où les cœurs s’ouvrent sans tabous, sans pudeur, doucement, sans cacher les horreurs ou les souffrances, sans omettre la beauté d’un geste ou la tristesse d’un sentiment.
Évocations souriantes, plaisanteries, leçon humoristique, confessions douloureuses, les douze monologues évoquent la femme voilée, la femme-objet, la femme libérée, la mère, l’enfant, la chaste vierge à protéger, l’objet acheté, la chair martyrisée, vendue, battue, …
Comme un miroir brisé offre une image à chaque fois légèrement d’une chose, Les Monologues Voilés fait de même avec la femme musulmane.
Il nous offre un portrait décliné presque à l’infini d’une identité qui se cherche.
La culture musulmane et ses traditions sont comme un chêne centenaire aux racines profondément enfouies dans le sol, isolé sur la plaine et soumis aux vents impétueux de la modernité et de la libération de la femme.
LesLes Monologues voilés Monologues voilés sont donc l’occasion de voir, de percevoir, de prendre dans sa main blanche une main peinte au henné.

Mieux qu’une ouverture d’esprit, c’est pour l’européen l’occasion de déchirer le voile de la ségrégation et du racisme, l’occasion de découvrir que cette femme n’est pas différente de nous, de moi, de vous, de votre mère ou de la mienne.
Mais c’est aussi une occasion inouïe offerte aux femmes musulmanes de s’exprimer, de laisser percevoir la confusion culturelle qui les agite, et qui sait, de pouvoir apprivoiser cette dualité, cette complexité qui les habitent, de jeter aux orties tout le poids de la culpabilité qui trop souvent les accable, de leur permettre de redresser la tête, voilée ou non.

Spectacle vu le 08-01-2008
Lieu : Théâtre de Poche

Une critique signée Muriel Hublet

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