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A la mémoire d’Anna Politovskaïa
A la mémoire d'Anna Politovskaïa - Théâtre NationalLars Norén plonge à nouveau dans la boue humaine.
Il fouille un pays en pleine destruction morale et économique.
Où sommes-nous ?
Quelque part dans un pays de l’Est où une dictature réduit tout le monde à la souffrance et la misère.
Fange de la société, lie de l’humanité, le portrait est dur, violent et frise régulièrement l’excès ou l’écoeurement.
Plus d’une fois, le sentiment confus que l’auteur force volontairement le trait affleure tant cette accumulation de vies pitoyables et méprisables est insoutenable.
Mort, viol, abus sexuels, pédophilie, enfants vendus, battus, drogue, alcoolisme, vies détruites, violence gratuite, pauvreté, tout est là et tourne et retourne dans un brouet amer, trop salé, qui va jusqu’à volontairement vous mettre la nausée au bord des lèvres.
Pendant deux heures, Lars Norén nous fait vivre des petits bouts de vies qui s’entrecroisent, des destinées détruites, des avenirs ravagés.A la mémoire d'Anna Politovskaïa - Théâtre National
Il dépeint des victimes involontaires d’une situation qui leur échappe totalement, des pantins de chiffons, sans plus guère de forme ou de ressort.
Des hommes et des femmes déboussolés, sans aucuns repères, qui ont perdu tout sens moral et quasi toute ombre de moralité dans une vaine tentative de survivre à tout prix.
La vie et l’espoir flirtent avec la résignation et la mort suicidaire dans une danse odieuse et outrageante.
Un spectacle à choisir en toute connaissance, qui se veut interpellant dans son propos incisif, caustique, vitriolé et mais non dénué d’un certain réalisme.

Derrière le propos, la mise en scène, tout à la fois épurée dans le décor et un peu trop subtile, par instants dans ses références visuelles, tente de mélanger les genres.
Un peu de cascades, quelques acteurs suspendus à des fils (pourquoi donc ?), des décors coulissants, des acteurs qui sont tout à la fois spectateurs de la destruction des autres, tout s’y retrouve classicisme et audace dans un ensemble parfois un peu hétéroclite.
Côté interprétation, derrière Alexandre Trocki que beaucoup connaissent, on appréciera la prestation des deux jeunes acteurs.

A la mémoire d'Anna Politovskaïa - Théâtre NationalMalgré quelques longueurs, un spectacle volontairement choquant, une plongée dans l’insoutenable, l’inadmissible, l’impensable d’une société qui n’est ni si marginale, ni si loin de nous que vous voudrions bien le penser.
Lars Norén ose et persiste dans sa vision crue et atrocement réaliste d’une société qu’il semble voir comme aussi sombre et que le décor de sa pièce, aussi poussiéreuse et friable que ces papiers noirs et fragiles qui se déchirent sous le poids des pas et sous l’impact de la violence des gestes.

Spectacle vu le 03-11-2007
Lieu : Théâtre National - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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