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Menus-Plaisirs
Voyage en absurdie
Tout commence par un grand boum, quasi un big bang.
Le rideau s’ouvre sur une scène bancale, aux murs de guingois, aux meubles enchevêtrés.
Le décor nous plante pourtant dans un intérieur cossu et  délicieusement vieillot, très style 1900, mais nos repères semblent bizarres, comme affectés par le grand tremblement qui vient de secouer les murs.
Un peu comme si leMenus-Plaisirss conventions, nos conventions avaient été en partie ébranlées.  Un peu comme si un enfant s’était amusé à effacer certaines lettres, certains mots du tableau noir pour créer un nouveau texte biscornu, étrange et délirant.
Jean Tardieu, auteur de ces textes, est une sorte de poète des mots.
Il les regarde, les écoute, les prend en main, les tourne dans tous les sens, les triture, les malaxe, les décortique, les croque, les lance, les fait rebondir pour les aligner ensuite, bien loin des classiques règles écrites ou verbales.
Pour mieux se faire comprendre, il se joue de nos évidences.
Il prend une pièce de théâtre très boulevardière et la modifie, la perturbe, la chamboule, en change les codes. 
Il fait des acteurs des complices qui en quelques tableaux vont parodier ou mimer des petits bouts de vie dans leur côté incongru, ironique et décalé.
Chaque saynète est un univers différent, délirant.
D’un monde où les conventions sont inversées, où la poignée de main est remplacée par le pied de nez, où l’hypocrisie ne fait plus la loi, par la magie du théâtre, nous serons transportés au milieu d’une conversation anodine ou les non-dits, les pensées silencieuses, les mots biscornus qui habituellement remplissent nos têtes osent sortir au grand jour, se montrer, filer dans tous les sens (et non-sens).

Certains seront donc très vite rebutés par cet humour très particulier.
Il est vrai qu’il faut laisser à nos oreilles et nos esprits un certain temps d’adaptation pour en percevoir le sel et le piment.
Tardieu c’est comme un magicien déconcertant, il ne fait pas sortir de lapin blanc de son chapeau, mais bien des  mots bizarres, à l’endroit, à l’envers, de travers, peints en rouge ou en arc-en-ciel.  Et comme pour tout ce qui eMenus-Plaisirsst hors norme, il nous faut nous mettre au diapason de cette musique excentrique.

Pour servir ce Menus copieux Plaisirs, ils sont huit(Hélène Gailly, Claudie Rion, Marie-Pascale Dessoy, Isabelle de Hertogh, Sébastien Berton, Partice Mincke, Nicolas Pirson et Bernard d’Oultremont ) à s’agiter, à danser, à courir, avec grand sérieux, mais les yeux pétillants de rire et de complicité.
Dans une sorte de ballet surréaliste et désorganisé en apparence (une mise en scène de Vincent Dujardin) , ils semblent virevolter avec légèreté au son d’une musique enjouée. Et pourtant, chaque geste est soigneusement précis, délicatement étudié, clairement choisi et posé pour nous entraîner, pas à pas, dans un flamenco endiablé. 
Cette comparaison  avec la chorégraphie espagnole, bien connue de tous, n’est pas gratuite.  Faite de  chant, de claquements de mains, du son des castagnettes, de mouvements des hanches, de bruissements de tissus ou encore de martèlements des talons, cette danse lascive, révoltée, amoureuse est un tout, un ensemble, une histoire qui se construit pas à pas.
Pour l’apprécier totalement pour en goûter l’essence vive, il faut patienter, attendre pour voir les gestes lents s’accélérer, le rythme s’intensifier.
Pour pénétrer l’univers de Tardieu, il faut faire de même.
Entrer, respirer, humer, sentir, flairer avant de pouvoir pressentir, percevoir et enfin en ressentir tous les arômes, en saisir toutes les volutes parfumées et  en apprécier l’ivresse invisible et mentale.

Un Menu Plaisir de plus ?
Un poème de Jean Tardie : La môme néant

Quoi qu'a dit ? - A dit rin.
Quoi qu'a fait ? - A fait rin.
A quoi qu'a pense ? - A pense à rin.

Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?

A' xiste pas.


Spectacle vu le 02-10-2007
Lieu : Comédie Claude Volter

Une critique signée Muriel Hublet

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