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Love Letters
La spirale des sentiments
Nous sommes sur la terrasse d’une maison en bois rouge du New Hampshire (un joli décor imagine par Christian Ferrauge).
Un homme survient, une boîte au papier fané à la main.
Quand il l’ouvre, les souvenirs surgissent, instants de bonheur, confidences, espoirs, rêveries, ce sont des lettres qu’elles contiennent, des mots écrits ou reçus d’une femme, Alexa.
Au fil des feuilles de papier jaunies, patinées par le temps, bien plus que le parfum de la nostalgie, c’est la gamine de 8 ans, l’ado, la jeune femme, l’amie, l’amante, l’amoureuse qui va se dessiner sous nos yeux.
Thomas (Jean-Claude Frison) va se replonger dans son enfance et évoquer la présence de l’absente.
Sur scène pourtant Alexa nous est bien visible sous les traits d’Anne Chappuis.
Tour à tour, ils vont se parler au travers des mots échangés jadis.
lls évoqueront ainsi la spirale d’amour sans cesse décalée qui les a entraînés tout deux sur des chemins de traverse, bien loin des émois de leurs cœurs.
Au rythme des pages, les caractères se dessinent.
Alexa est frondeuse, libérée comme on disait à l’époque.
Thomas est plus puritain, conventionnel et respectueux des règles de la société bien-pensante de l’époque.
Appels au secours, révoltes, malentendus, incompréhension, les sentiments se tissent et s’effilochent.
Pour le spectateur qui perçoit tour à tour l’un et l’autre, la tension amoureuse, la sensualité à fleur de peau et les éléments du drame sont plus que perceptibles.

Le texte de l’américain Albert Ramsdell Gurney est de toute beauté.
Poignant, prenant, il décrit un homme et une femme auxquels, tous pourront s’identifier et il réussit à équilibrer son texte pour que jamais le public n’ait l’impression d’un perdant ou d’un vainqueur.
Thomas et Alexa seront tous deux maladroits, aveugles, inconstants et c’est tous ces petits errements, tous ces petits cailloux qu’ils ont inconsciemment, au fil du temps, accumulés sur leur route qui deviendront bien plus tard la montagne qui les séparera.

Michel Wright a choisi pour sa mise en scène de ne pas figer ses acteurs à un bureau, mais de les laisser se déplacer pendant la lecture des lettres.
Le spectacle en devient plus vivant, plus humain et les liens qui unissent Thomas et Alexa en ressortent comme magnifiés (si cela était possible).
Les mots s’enlacent presque comme une conversation et créent ainsi le sentiment de pénétrer pudiquement dans leur intimité.
Love Letters marie la simplicité et la beauté à la puissance d’un texte fort.

Jean-Claude Frison, que l’on connaît bien plus pour ses rôles dans les grands classiques du répertoire, révèle ici une facette surprenante, attachante.
Tout comme sa partenaire, il joue des regards, des mimiques, des changements de voix, redevient enfant naïf ou ado en prise aux premiers émois, gamin jaloux et sénateur soucieux de sa réputation.
Il nous donne même le regret de ne pas le voir plus souvent dans des rôles plus proches et moins classiques tant il est Thomas de bout en bout.
Lumineuse et fragile, tout à la fois, Anne Chappuis irradie en Alexa versatile, capricieuse, blessée, déchue.

Pour clore sa saison, le Théâtre de La Valette fait fort en proposant un spectacle qui parle au cœur tout simplement.
Superbement servi par ses acteurs et la mise en scène de Michel Wright, Love Letters mérite plus qu’un détour par le petit village bucolique d’Ittre.

Spectacle vu le 17-04-2008
Lieu : La Valette

Une critique signée Muriel Hublet

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