L’Aiglon d’Edmond Rostand, créé en 1900, romance cette vie méconnue et étouffée.
Il nous fait voir Franz vers l’âge de vingt ans.
Sa pièce en vers, en six actes, sa quarantaine de personnages, ses nombreux figurants et avec plus de cinquante scènes à son programme est une grosse machinerie théâtrale à mettre en mouvement.
Rarement joué donc, ce choix d’Yves Larec se présente comme un fameux challenge.
Parvenir à adapter, à raccourcir, à cadrer l’œuvre dans un format acceptable pour un public actuel, et ce, sans rien perdre de la substance, la quintessence propre au texte d’Edmond Rostand.
Pari plus que réussi pour Yves Larec et toute la troupe du Théâtre du Parc.
Il nous fait admirablement renouer avec le classicisme dans tout l’agréable de son traditionalisme.
Rien n’a été remodelé ou modernisé.
Les décors, modulables sont à l’ancienne, majestueux et de toute beauté.
Thierry Bosquet signe là un travail superbe de conception.
Il donne cachet et faste, dans le mobilier, comme dans les costumes, à la cour autrichienne et à l’entourage du duc de Reichstadt.
Si Yves Larec a bien été obligé de réduire tirades et tableaux (désormais 3h15, entracte compris), il l’a fait à coups de gomme précautionneux, presque amoureux même.
Sans déséquilibrer l’œuvre aucunement, il préserve (amplifie ?) son intensité romantique et son émotivité.
Derrière cet énorme coup de chapeau à une payante audace scénique (hélas trop rare sur nos planches); il faut encenser le travail de metteur en scène que signe également le directeur du théâtre du Parc.
Il insuffle à ce drame, tout à la fois historique et intime, une force passionnelle remarquable.
Il a choisi d’offrir le rôle principal au tout jeune Julien Vargas.
S’agit-il d’une confiance immodérée et méritée ou d’un excellent pressentiment sur l’étendue du talent du comédien ?
Quelle que soit la réponse à cette question, le résultat est époustouflant.
Julien Vargas joue merveilleusement un registre complexe de sentiments.
Tantôt flamme chatoyante et vibrante, tantôt fragile papillon, damoiseau mélancolique, enfant candide et rêveur, idéaliste, incompris, révolté, malade, son duc de Reichstadt est subtil et envoûtant.
Il captive tant et si bien qu’on ne sent pas le temps passé, que ces trois heures ne paraissent pas une minute longuettes.
Derrière la performance de Julien Vargas, il ne faut pourtant pas oublier les autres acteurs.
Yves Claessens en grenadier Flambeau s’offre un rôle d’une truculence incomparable et apporte à la pièce la petite touche d’humour qui permet d’adoucir l’impact poignant de certaines scènes.
Jean-Claude Frison est un Metternich glacial et caustique à souhait, Jean-Paul Dermont (l'Empereur Franz) est un grand-père dramatiquement coincé entre l’amour qu’il porte à son petit-fils et la raison d’État.
La grâce féminine n’est pas absente avec Cloé Xhauflaire (l'Archiduchesse et tante de l’Aiglon), Micheline Tziamalis (la rebelle Comtesse Camerata), Nicole Colchat (Marie-Louise, la mère inattentive, distante et pourtant aimante).