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Harry
Trop souvent on associe le théâtre dit classique et celui de Shakespeare en particulier à des textes longs et barbants.
Grâce à la compagnie Transquinquennal et à Harry ; il n’en sHarry era désormais plus rien.
En une bonne vingtaine de minutes, ils résument la vie d’Henry IV, son accession au trône et la succession d’Henry V.
Ensuite, à plusieurs reprises, les mêmes évènements vont être rejoués, avec des détails différents ajoutés à chaque fois pour donner une nouvelle vision des faits, toujours un peu différente, axée sur un thème différent.
Un peu comme une pièce d’un puzzle se tourne et se retourne dans tous les sens, ils orientent les faits par petites touches, accentuant ou affiant l’une ou l’autre impression.
Shakespeare est considéré comme un maître dans l’exploration de l’âme humaine et de ses détours. Mais, il avait fait long (9heures pour l’ensemble des deux pièces, si ma mémoire est fidèle). 
Ici, en moins de deux heures, Transquinquennal condense le tout (Henry IV et Henry V).  Des heures de scènes et une multitude de personnages se transforment en une mise en scène sobre et pour six acteurs seulement (même si certains interprètent plusieurs rôles).

Que les puristes passent d’emblée leur chemin, ils détesteront cela.
Que les traditionalistes hésitent et que les esprits ouverts découvrent, eux, avec pas mal de plaisir et quelques surprises Harry.
Le décor pour commencer est frappant : des toilettes ultramodernes.
Est-ce une figuration des coulisses du pouvoir ? Probablement.
Mais quelles qu’en soient les raisons réelles ou supposées, ce décor est matériellement bien exploité, en plus d’être original.
Autre innovation, pour court-circuiter certaines Harry longueurs et permettre quand même, à tous, la bonne compréhension du récit, CNN donnera régulièrement des flashs et des messages royaux sur l’évolution de la situation dans cette bonne vieille Angleterre.
Les costumes sont strictement standard, style homme d’affaires et complet… anglais comme il se doit.
Parlons des personnages, car là aussi quelques surprises sont au rendez-vous.
Le Prince de Galles n’est autre que Anne-Cécile Vandalem … une femme.
Froide, au sourire de glace, elle laisse suinter l’ambition et la rouerie, manipulatrice, elle arrive à ses fins sans guère se salir les mains. 
Donner à Henry V les traits féminins (dans un costume très Harvard) lui enserrer les cheveux dans un chignon strict, lui  mettre aux lèvres un carmin sanglant et aux pieds des bottillons à hauts talons n’est peut-être pas finalement si mal observé.
L’archiduc de York est elle Anne-Cécile Vandalem.  Si cela prête aux rires étouffés, cela ne dénote pourtant pas avec la religion anglicane qui admet des femmes dans ses rangs et de la robe ecclésiastique au tailleur très Chanel, il n’y a que la couleur du tissu et sa longueur qui diffère.

Vous l’aurez compris, Harry est très différent d’une pièce classique, et pourtant, les mots de Shakespeare sont bien là.
S’ils sonnent par momeHarry nts un peu plat, ils prennent aussi un relief très plaisant dans les vigoureuses tirades de Bernard Breuse (Harry Percy), sous les gémissements raisonneurs de Stéphane Olivier (Falstaff) ou sous les talons hardis de Anne-Cécile Vandalem (Harry).
L’originalité du décor (Estelle Rullier et Raphaël Rubbens) vaut le coup d’œil et permet certaines petites fantaisies de mises en scène qui pimentent un peu plus ce spectacle pas du tout classique.

A lire ces mots certains auront crié au sacrilège et au lèse-Shakespeare avec raison, mais cette œuvre illustre est médiévale.
La compagnie Transquinquennal l’a donc dépoussiérée, a chassé les toiles d’araignées qui l’encombrait de-ci de-là pour lui offrir une nouvelle jeunesse, un petit coup de fraîcheur à gauche, une dose de peinture fraîche à droite, on change la moquette, on recouvre les coussins déteints avec des couleurs vives et voilà, tout a changé… au grand dam des casaniers qui ne retrouveront plus leurs marques.
En bien ou en mal, question de point de vue.
A vous de juger…

Spectacle vu le 24-02-2007
Lieu : Théâtre Varia - Grande Salle

Une critique signée Muriel Hublet

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