Un pour la route
Harold Pinter devient un habitué de nos scènes belges.
Un pour la route détonne cependant par rapport à ses autres œuvres.
Sa construction est directe, agressive, sans ménagements.
On y retrouve l’étude psychologique, caractéristique de ses écrits.
Mais sans tours et détours, ici, il va à l’essentiel.
Il parle de la torture et de la violence. En une seule minute de spectacle, il nous y catapulte brutalement et ne nous en sortira plus. Si on y retrouve avec plaisir, les retournements de situation propre à Pinter, ce n’est que pour mieux ainsi, pour mieux nous sensibiliser.
Dans une cave aux simples murs de pierre, deux hommes s’affrontent.
Où sommes-nous ?
Dans quel pays ? Dans quelle région ?
Deux questions qui resteront sans réponse.
De manière universelle, nous pouvons être n’importe où, dans n’importe quelle partie du globe.
L’absence de noms et de lieux renforce l’impression d’irréalité et nous permet, à notre de gré de nous croire ici ou là, dans n’importe quel état totalitaire et même pourquoi pas ici. De quoi nous faire glisser dans le dos un frisson glacé.
Assis à une table, un homme (Fabrizio Rongione) détient le pouvoir.
Interrogateur, bourreau, inquisiteur, représentant d’un gouvernement à poigne d’acier qui poursuit impitoyablement l’opposition, il va interroger une famille, jouer avec eux comme un chat avec une souris. Tour à tour cauteleux et presque aimable, fier et arrogant, il alterne tentatives de séductions et de déstabilisations, menaces et coups, promesses et chantage. Il utilise le classique panel de tous les tortionnaires sadiques qui règnent par la force, la barbarie et la terreur.
Sur la chaise d’interrogatoire, nous verrons tour à tour, un père (Ronald Beurms), une mère (Cloé Xhauflaire) et leur fils (Martin Enuset).
Quels sont les rapports entre bourreau et victimes ?
Quels sont les enjeux de confrontation ?
Une scénographie minimaliste laisse la part belle au jeu des acteurs, à leur présence muette, à leurs regards torturés. Des maquillages superbement précis et réalistes, nez cassé, œil poché, hématomes, arcade sourcilière fendue, vêtements déchirés, traces de sang, rien n’a été oublié, pas même les liens et les pieds nus pour accentuer ces portraits de suppliciés.
En une petite heure, quasi sans un geste violent, Marcel Gonzalez et Vincent Bruno, les metteurs en scène, nous offrent pourtant un spectacle prenant, qui interpelle sur les brutalités et les tortures, trop souvent encore pratiquées un peu partout.
Une atmosphère lourde et pesante plane sur l’Arrière-Scène pour ce spectacle signé Pinter.
S’il est moins psychologiquement retors qu’à l’ordinaire, il fait pourtant mouche en dénonçant la torture comme pratique autorisée par quantité d’états de par le monde.
Spectacle vu le 01-02-2007
Lieu :
Arrière-Scène
Une critique signée
Muriel Hublet
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