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Le jour où je me suis rencontré

Au fil du temps perdu
Thierry Janssen et Sébastien Fernandez triturent, étirent, tricotent et détricotent le fil ténu du temps.  Ils l’entortillent, le nouent et le dénouent pour nous proposer une pelote de laine compacte et volontairement très  emmêlée.

Le jour où je me suis rencontré
évoque l’existence de William Godimus.
Un homme qui souhaite télescoper son présent et son futur dans l’espoir de réussir, qui sait, à modifier sa vie.
Si en informatique la touche reset permet bien la chose pourquoi pas dans la réalité ?
Souhait pieux soigneusement étayé par un texte dense et complexe, porteur d’images fortes et de phrases criantes de vérité, la pièce, que les deux auteurs mettent en scène eux-mêmes, n’évite malheureusement pas les excès et les longueurs.
Si l’on peut imaginer sans peine la difficulté pour un écrivain de s’autocensurer, on peut d'autant plus aisément comprendre un certain manque de recul lorsque l’écriture et la mise en scène sont dans les mêmes mains (aussi talentueuses puissent-elles être).
Au final, l’ensemble donc pêche par quelques surcharges.
Si toute une série de petits détails, pris séparément, pourrait se révéler plaisants ou intéressants, leur accumulation, au sein d’un spectacle de deux heures (+ entracte), font régulièrement friser l’indigestion et dispersent le propos plus qu’ils ne le servent.

Cette critique de notre société, frileuse et peureuse, refermée sur elle-même dans une peur (compréhensible) du terrorisme, titille la facilité avec laquelle on pourrait très vite tomber dans les pires dérives, pour peu qu’elles donnent l’impression d’être sécuritaires.
Loin de s’apparenter à de la science-fiction, les propos sont parlants, voire cruellement réalistes, mais trop édulcorés dans la diversité et l'importance des dialogues.
De tour en détour, de la Corée à l’Europe, de Marilyn Monroe à Fonzie de la série Happy Days, d’un cimetière à une caravane étriquée, de reportages vidéo en extraits de journal télévisé, de clip musical en pubs kitchissimes, le spectateur a fort à faire pour tout percevoir, tout comprendre et au final reste un peu paumé devant un tel afflux d’idées parfois trop embrouillées.  


Deux acteurs sont sur scène pour personnaliser l’homme actuel et son futur.
Le William du présent (une excellente interprétation d’Emmanuel Dell’Erba) se débat entre un travail dans lequel il se laisse absorber et une petite amie qu’il néglige.
Celui de 2037 vit solitairement ses dernières heures. Crâne rasé et visage creusé par la maladie et les souffrances, il éructe sa rage contre un système qui n’a plus rien d’humanitaire, où l’homme est à peine plus qu’un numéro. Thiebault Vanden Steen réussit à donner l’illusion d'être un vieillard catochyme, même si de temps à autre on regrette de ne pas voir un acteur plus âgé ou avec plus de force ironique et critique dans le regard.
Entre les deux hommes et les deux époques navigue une femme, tout à la fois amie, amante, chanteuse ou révoltée.
Cathy Min Jung enfile les tenues et se glisse d’un rôle à l’autre sans trop de mal tant, les personnages qu’elle doit interpréter sont fort semblables dans leur comportement exalté.

Le jour où je me suis rencontré mérite le détour pour son inventivité, sa jolie satire (à peine fictionnelle ?) de nos dérives sécuritaires.
Son propos et la portée de son texte méritent la réflexion, avec le seul bémol ici que tout est décidément bien trop dilué.
Qui sait… A défaut d’une touche reset à appliquer à la vie, Thierry Janssen et Sébastien Fernandez auraient peut-être dû se souvenir que tout ordinateur est aussi muni d’une touche delete.

Spectacle vu le 16-04-2009
Lieu : Théâtre du Méridien - Salle Nord

Une critique signée Muriel Hublet

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