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Dans le secret de ma paume
Dans le secret de ma paumeUn cercle de sable noir, deux chaises et une esquisse d’arbre sont le seul décor de cette sobre scénographie.

Tout est centré sur deux hommes qui surgissent du fond de la scène.
Tels Laurel et Hardy, ils adoptent les mêmes gestes.
Sortes de copies conformes, uniquement différenciés par l’âge, Edward et Eddy vont vivre ensemble une aventure plutôt particulière et très vite devenir des entités bien distinctes et particulièrement attachantes.
Jugez donc …

Orphelin, un jeune trader, à qui tout réussit, veut briser ses tabous, se créer des souvenirs à chérir, un passé, une famille, des amis.
Pallier à un tel manque ne peut se faire qu’en inventant.  
Et quand on a les moyens pourquoi ne pas matérialiser au mieux cette fiction en engageant carrément un acteur pour jouer le personnage du père?
Eddy, comédien sur le retour, sans travail depuis une dizaine d’années, se voit proposer ce rôle plutôt insolite.
Pas vraiment d’auteur, pas de manuscrit, pas de metteur en scène, simplement la nécessité d’improviser en permanence en gardant un ton juste et en répondant aux attentes d’un employeur plutôt particulier.

Sous le léger vernis de la comédie et des sourires que provoque cette association  aussi étrange qu’ambivalente vont vite poindre d’autres enjeux.
Philippe Beheydt, jeune auteur belge, nous a séduit l’an dernier avec A un jet de pierre de Pristina.  Il nous entraîne, cette fois, dans une exploration de la relation père-fils.
Pas de blablas, ni de grandes tirades pseudo psychologiques, Dans le secret de ma paume est une plongée pertinente dans les secrets du cœur et les traumatismes de l’enfance.
Un peu comme quand devenu adulte, on rouvre notre boîte aux trésors.
Chaque objet que l’on en ressort est chargé d’une histoire et d’énormément d’émotions.
Tout l’univers familial renaît ainsi sous la plume du jeune auteur belge et dans le jeu de ses deux acteurs.
Tendresse, tristesse, regrets, non-dits, colères, pudeurs se dessinent par touches humoristiques ou sensibles.
Les situations deviennent ambiguës, le jeu se mêle intimement à la réalité.
Où se trouve la frontière entre la fiction et les souffrances réelles ?
Sans cesse, Philippe Beheydt les malmène avec beaucoup de finesse nous surprenant à chaque détour de phrase.
On regrettera, peut-être, cette impression fugace de longueur qui nous saisit par instants.
Et pourtant, chaque mot, chaque phrase, chaque geste sont tellement vrais et si finement ciselés que raccourcir le texte serait presque sacrilège.
Émettre ce petit bémol est une nécessité et paradoxalement un regret tant Dans le secret de ma paume est séduisant et particulièrement bien servi par le duo de comédiens.
Olivier Bony nous offre une image attendrissante d’un homme coincé, maladroit, malheureux, qui a peur d’aimer, de laisser apparaître sa profonde solitude et qui cherche à tout prix un peu d’affection.
Face à lui, Jean-Paul Dermont excelle dans sa dualité d’acteur, de faux père et de fournisseur de rêves.  Il assène les vérités à coups de paternelles colères et de bourrues remarques.  Regarder son visage changer du tout au tout ou son œil se mettre à pétiller est un tel régal visuel qu’il serait dommage de faire l’impasse sur Dans le secret de ma paume sous le prétexte des petites longueurs déjà mentionnées.

Spectacle vu le 18-01-2009
Lieu : Théâtre du Méridien - Salle Nord

Une critique signée Muriel Hublet

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