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Souriez, vous vieillissez !
Défense de vieillir ?
Telle une rose généreusement épanouie, Mirabelle étale ses pétales sous les chauds rayons du soleil.
Mais comme tout le monde le sait, si l’astre n’est pas le meilleur ami de votre peau, il l’est encore moins de votre moral.
Chaque printemps, à l’heure de la bronzette et de la protection solaire, loin de vous passer la pommade, il met cruellement en relief tous les petits signes de l’âge.  La joie du bain de soleil devient un bilan horrifique, un constat catastrophique.
Une ridule au coin de l’œil, une varice naissante, les chevilles qui gonflent, l’épiderme qui se craquelle ou pendouille, les fesses qui se transforment en potiron, le ventre qui se renfle d’une taupinière disgracieuse, …
La liste en est aussi longue et moins rieuse que la chanson d’Ouvrard (J’ai la rate qui s’dilate,…), mais, au final,on se sent tout aussi mal foutue et affreuse.
Le féminin est bien de rigueur, car la pièce s’adresse en principal aux Ève de ce monde, aux victimes de l’âge, que rien n’a préparé à basculer quasi sans avertissement de la section jolie, sexy et baisable à celle de vieille, moche et conne.

L’ère moderne ne se conçoit que par la beauté.  Les affiches de cosmétiques fleurissent partout, les cabinets des chirurgiens esthétiques ne désemplissent pas.
Devenir une vielle peau aujourd’hui, est-ce normal ou anachronique ?
Accepter ou déprimer ? Lutter ou s’affaisser ?
Là est la question !

Loin d’un drame shakespearien, Evelyne Wilwerth a écrit un texte sans longs discours ou phrases oiseuses, mais qui évoque des situations concrètes.  Bourré de remarques acides, de contrevérités drolatiques, l’auteure belge met à mal les adages Sois belle et tais-toi et surtout Sois vieille et cache-toi !
Mirabelle, sous les traits de Françoise Einsweiler, s’active à grand renfort de gestes et de refrains de chansons à nous arracher un sourire sur un sujet qui aurait plutôt l’impact d’un uppercut, avec pour seul effet de crisper désagréablement nos mâchoires (sous la douleur physique et morale) et ne guère nous donner l’envie de rire.
Et pourtant ce petit bout de bonne femme y met tout son cœur pour nous faire vivre le chemin de croix d’une bobonne bien mûre (pas encore blette, mais …) face à sa psyché et au regard intransigeant des autres.
Dans un monologue primesautier et  soigneusement lifté, dans un contexte presque décapant, volontairement décousu, la vieillesse, la tendresse, la solitude et la famille restent les points de repère universels.
Entre idées reçues et polémiques, entre chirurgie esthétique et cure sexuelle avec un jeune amant fringuant, entre pilule miracle et antidépresseur, entre autodérision et parodie publicitaire, Françoise Einsweiler nous offre le choc des mots (sans le poids des photos, le miroir suffit amplement) et la pertinence des mimiques.
Tout à la fois sensible, intime et émouvant, Souriez, vous vieillissez !    tritureun sujet tabou que l’on préférerait éviter, les effets de l’âge pour les relativiser.
Et s’il ne parvient pas, par pudeur et par impact trop personnel à nous faire rire aux éclats, il réussit à nous rappeler, si cela était nécessaire,  que, les rides sont inévitables et l’éternelle jeunesse à jamais un mythe.

Spectacle vu le 04-06-2008
Lieu : Théâtre de la Clarencière

Une critique signée Muriel Hublet

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