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Une passion
La dame du temps jadis …
Héloïse et Abélard ?
Un souvenir scolaire, un mythe, une fable, un conte que l’on fait lire aux élèves en humanité.
C’est le récit, principalement épistolaire des amours malheureux d’un couple du XIIe siècle, pris entre tourmente et volupté dans la rigidité d’un Moyen-Âge dont ils foulent aux pieds les règles et interdits.
Ne pas la connaître n’empêchera nullement de profiter pleinement du spectacle.

Une passion ?
Voilà soixante fois déjà que j’ai vu l’automne…
Dans une cellule moniale, Héloïse parle.
Depuis qu’elle a été cloîtrée,  jamais elle n’a posé la plume.
Tourmentée, elle a enduré l’enfermement, ressassé son passé et garde au cœur les stigmates des blessures qui ont échelonné son chemin de ronces et d’épines.
Jeune fille et femme sensuelle, elle était une flamme vive, qui vibrait, par l’esprit, mais aussi par le tourbillon de sensations, de perceptions d’odeurs ou de couleurs auxquels elle était si réceptive.
Elle a subi l’isolement avec rage, rancoeur, hargne et reproches.
L’âge aidant, elle a atteint la sérénité, la capacité de fouiller son passé, de revivre son histoire sans douleur, comme enfin apaisée.

Sur scène
Seule, emmitouflée dans une cape, la digne abbesse du Paraclet, va comme rajeunir, s’illuminer des audaces de la jeunesse, faire à rebours le voyage de la vie, retrouver ses espiègleries d’enfant, sa fraîcheur d’adolescente, sentir à nouveau l’odeur de la cire, des gâteaux, le goût des choses, des découvertes et de l’amour.
Si La passion, fait appel à une héroïne célèbre, peut-être est-ce pour mieux faire comprendre, percevoir l’universalité de la souffrance.
La jeune fille a vécu le renoncement, l’enfermement, le rejet dans une série d’évènements assez inouïs, à une époque lointaine où la femme était plus un objet qu’un être de chair et de sang.
Et c’est là que se trouve, à coup sûr, la force et la portée de ce texte.
Entre les lignes de ce roman historique, un peu extrapolé, derrière l’existence d’une religieuse, d’une amante, d’une épousée, d’une abandonnée, c’est l’universalité d’une passion exclusive et dévastatrice qui se décèle.
Ce récit au je féminin trace et esquisse la Femme avec un grand F.  Chacune percevra Héloïse différemment, avec sa propre sensibilité.  La voix chaude et rauque de Carmela Locantore raconte et nous livre des pans de vie avec tendresse, puissance, rage, incompréhension.
Au-delà de ce panel complexe de sentiments, c’est nous qui vibrons, sensuelles et exaltées, qui clamons le droit à l’amour, chantons la détresse, parlons de pureté ou spiritualité.

Dans la salle
Pas un bruit, la plus petite toux, le plus infime glissement de pied semblerait iconoclaste, risquerait d’abîmer la bulle qui enserre dans une même étreinte l’actrice et son public.
Une relation se noue, du mot et du regard, tant le texte (tiré du roman éponyme de Christiane Singer et adapté par Carmela Locantore) est prenant. Chaque silence, chaque inflexion de voix  a son importance, la moindre virgule est porteuse d’espérances ou de douleurs.
Et si comme le dit Christiane Singer, Dieu n’a que nos mains pour faire sur terre tout ce qu’il y a à faire, nous ne possédons que nos oreilles et notre cœur pour nous laisser séduire et presque sublimer par ce texte ardent, cette ode à l’Amour.



Spectacle vu le 29-05-2008
Lieu : Théâtre de la Clarencière

Une critique signée Muriel Hublet

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